« Une année catastrophique » : c’est par ces mots que Michel Degois, agriculteur à Moussey dans l’Aube, au sud de Troyes, résume la campagne betteravière 2020. Il est doublement bien placé pour en parler puisque, planteur lui-même et cultivant une trentaine d’hectares pour son propre compte, il dirige en parallèle une petite entreprise de travaux agricoles qui arrache 450 ha pour d’autres exploitants.
Le constat est sans appel : « mes rendements plafonnent à 14,60 t/ha cette année contre 71 t/ha en moyenne sur cinq ans, avec des pointes à plus de 100 t/ha. C’est un chiffre que je n’ai pas encore digéré ». Michel Degois est loin d’avoir rempli ses objectifs. « J’ai récolté 399 tonnes de betteraves, alors que j’ai 2 200 tonnes en contrat — 1 400 tonnes avec la sucrerie d’Arcis-sur-Aube et 800 tonnes avec celle de Souppes-sur-Loing. Je n’ai pu livrer que 240 t à la première, et 159 t à la seconde ».
Deux facteurs au moins expliquent une telle Bérézina : le manque d’eau et la jaunisse virale. « Le vent du nord a desséché les rayons après les semis, puis on a eu du sec en juin. Et il y avait déjà des pucerons sur les cotylédons. On a traité deux ou trois fois selon les parcelles. Le problème, c’est que les traitements ne sont plus efficaces. Sans oublier les altises, devenues résistantes ».
Une perte de 1 500 €/ha
Outre des rendements et des volumes en berne, l’exploitant a vu la richesse en sucre descendre à 15,5°S. Il évalue sa perte financière à 1 500 euros par hectare, sachant que son seuil de rentabilité se situe autour de 80 t/ha. Si l’année a été plutôt bonne en blé sur le reste de son exploitation, l’orge de printemps est venue en revanche assombrir le tableau.
Cette situation préoccupante l’amène à s’interroger sur son avenir et sur celui de ses collègues. « Des gens envisagent d’arrêter la betterave, d’autres ont déjà franchi le pas avant même que l’on parle de pucerons. Beaucoup vont remplacer la betterave par du tournesol ». Betteravier depuis toujours, Michel Degois clame pourtant son amour pour la betterave. « C’est une belle plante, qui repart même après une mauvaise météo. Mon père en faisait, mon fils en fait, mais je le dis clairement : pas de néonicotinoïdes, pas de betteraves en 2021 ».
Inquiet pour sa trésorerie (« on va devoir emprunter pour acheter des phytos »), le planteur réclame aussi de l’aide aux pouvoirs publics pour permettre à sa profession de s’en sortir financièrement.