Certains chasseurs sont plus anxieux que d’autres. Le chasseur de petit gibier ne se casse pas trop la tête, car en vérité son choix de calibres est très limité. La grande majorité chasse au calibre 12. Celui-ci a détrôné le calibre 16, qui a fait la loi pendant des années. Le vieux fusil pendu dans les fermes au-dessus de l’âtre était un calibre 16. Le fusil des campagnes, le fusil des agriculteurs, le fusil qu’obtenait le jeune titulaire de permis comme récompense du baccalauréat, par exemple, était un calibre 16. Le fusil des coloniaux, le fameux Robust que l’on trouve encore en Afrique subsaharienne, était un calibre 16. Et puis, au fil des ans, venu de Grande-Bretagne, le 12 l’a surclassé. Dans une cartouche de 12, il y a davantage de plombs que dans une cartouche de 16. Ceci explique sans doute cela. On chasse donc au 12.
Depuis quelques années souffle toutefois un vent nouveau, celui des petits calibres. Réputés plus « sportifs » car dotés de moins de projectiles, ces calibres ont aussi le mérite de se présenter sous la forme d’armes légères et élégantes. Le 20 est, si l’on ose écrire, le plus gros des « petits calibres ». Il est suivi par le 28 et le 410. Le choix se porte généralement sur le 28, car la cartouche propulse une gerbe homogène alors que celle du 410 ressemble à un rayon laser.
Donc, le chasseur de petit gibier a un choix somme toute assez simple. Soit il reste classique et chasse au 12, soit il se laisse séduire par le petit calibre et s’offre un 28.
On chasse tout avec cette miniature, du lièvre à l’oie en passant par la perdrix, le lapin et le pigeon ramier. C’est un calibre extrêmement efficace et c’est un pur bonheur de manier un fusil léger doté de petites cartouches dont le poids ne déforme pas les poches.
« Wild cats »
Le chasseur de grand gibier affronte, lui, des perspectives abyssales. Il existe des dizaines de calibres sur le marché et, chaque année ou presque, surgit un nouveau ou un ancien modèle que l’on avait complètement oublié, mais que l’on redécouvre.
Les Américains, dont les fantasmes sont sans limites, excellent à bricoler des munitions invraisemblables, mais qui peuvent séduire un esprit aventureux. Ce sont les champions des « wild cats », projectiles étonnants concoctés après des jours et des nuits de réflexion psychédélique.
J’ai essayé une fois l’une de ces créations. Imaginez une balle de la grosseur d’un petit pois propulsé par dix centimètres de poudre. Sa vitesse devait être assez proche de celle de la lumière. On tira à cent mètres un bidon d’eau qui fut volatilisé. Encouragés, nous tirâmes une corneille. Je crois me souvenir qu’au pied de l’arbre où elle était posée on retrouva une plume, tout le reste avait disparu.
Devant de telles performances, le chasseur de grand gibier est abasourdi. Il troque sa carabine contre le nouveau prodige. N’allez surtout pas croire qu’il va lui rester fidèle. Tôt ou tard, parce qu’il a loupé, il se précipite sur les chroniques balistiques des journaux spécialisés et découvre un nouveau modèle aux performances réputées encore supérieures. C’est une danse endiablée qui fait le bonheur des fabricants. Comme pour la haute couture, il y a des modes. Le 8×57 JRS fut, un temps, une référence. Elle passa. Comme le 8x68S auquel on reproche de « trop taper » (le chasseur).
Certains cherchent la puissance. Chez les guides de grande chasse en Afrique, le 500 Nitro ridiculise le 357 Magnum de l’inspecteur Harry. Mais il est détrôné aujourd’hui par le 700 Nitro, capable de clouer sur place une voiture de moyenne cylindrée lancée à bonne vitesse.
Bon, en tirant, il faut faire attention car si vous épaulez mal, vous voilà K.-O debout.
« La parole impeccable »
Tournez manège ! La ronde est d’autant plus endiablée que l’on redécouvre les oubliés. Ou que l’on pousse en avant des calibres naguère interdits chez nous, mais qui ont obtenu la légalité et sont prisés des chasseurs américains : le 30.06 par exemple.
On se doute que le néophyte, étourdi par les références, en perd ce qui lui reste de latin.
Donnons-lui quelques repères. S’il chasse le chevreuil, le 243 Winchester a, selon un des accords toltèques, « la parole impeccable ». S’il chasse le sanglier, le 300 Winchester Magnum ou le 270 WM ne faillira pas. Le 7×64 va bien lui aussi. Pour un renard, à l’affût, au coin du bois, faites confiance au 222 Remington. Et, pour le grand gibier africain, le légendaire 375HH n’a jamais trahi personne.
Mais il est toujours permis de tenter des calibres moins courus. Le 35 Whelen a ses partisans pour la battue de grand gibier. Il a une origine « wild cat », c’est-à-dire bricolée. C’est le bébé du colonel T. Whelen, mis au monde par la firme Remington. Les esprits plus classiques opteront pour le 9.3×62, un des plus vieux calibres de chasse. Créé en 1905 par l’armurier allemand Otto Bock, il était destiné à être tiré dans la fameuse carabine Mauser 98, une arme à verrou réputée pour avoir un boîtier de culasse indestructible, d’où son appellation complète : 9.3×62 Mauser.
Que l’on soit classique, artiste, rêveur, scientifique, visionnaire, pragmatique ou joueur, amateur ou professionnel, la palette des armes rayées satisfait tous les goûts.