« Nous attendions des restrictions, mais le classement du lin fibre dans les cultures ne pouvant être cultivées qu’à partir de l’année N+3 après la betterave a été une surprise », déclare Pascal Prévost, président du Comité Technique Arvalis délégué par le Cipalin (interprofession).
En lisant le projet d’arrêté « autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam », les représentants de la filière ont eu la surprise de voir que le lin fibre a reçu la note maximum sur les critères “ressource collectée“ et “niveau d’attractivité“ dans l’avis de l’Anses (1) sur la base d’un indicateur proposé par l’ITSAP (2).
« La filière ne connaît pas l’origine des notations associées au lin fibre, considéré à ce jour sur ces critères comme faisant partie des cultures les plus “intéressantes“ pour les abeilles. Or avec une floraison qui dure 1 à 3 semaines et des fleurs qui ne sont présentes que quelques heures par jour, le lin fibre n’est que très peu visité par les abeilles et la culture du lin fibre n’est pas jugée intéressante ni reconnue pour la production de miel », poursuit Pascal Prévost. « On n’a jamais vu de miel de lin ! »
Avec 141 400 ha semés en 2020, la France est aujourd’hui leader mondial de la production de fibres de lin, dont la culture génère une activité économique importante dans les régions Normandie, Hauts-de-France et Île-de-France, régions où la betterave sucrière est largement présente. « Le marché du lin est en plein redressement et il est fort probable que pour la campagne 2022-2023, nous ayons besoin de retrouver le niveau de surfaces d’avant la crise de la Covid-19. Il serait dommage de limiter notre capacité à répondre à une demande », analyse Pascal Prévost.
L’enquête “Pratiques culturales“ 2017 menée par les services statistiques du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, met ainsi en évidence que sur les 291 parcelles de lin fibre enquêtées en 2017 (N), 20 % d’entre elles étaient en betteraves sucrières en 2015 (N-2).
« Le lin fibre est par essence une culture de diversification des assolements des bassins de production du Nord-Ouest, offrant une rupture dans le cycle des bioagresseurs des grandes cultures et permettant d’allonger les rotations, ajoute Bertrand Gomart, président de l’Association générale des producteurs de lin (AGPL).
Cultiver le lin en N+2
Pour soutenir sa demande de classement en N+2, la filière lin fibre a délégué l’expertise et la R&D agronomique à Arvalis-Institut du Végétal. « Nous travaillons actuellement avec eux pour étayer nos propos par des éléments scientifiques qui permettraient de repositionner le lin fibre à sa juste place en tant que culture ne présentant pas d’intérêt mellifère, en N+2 après betteraves sucrières », explique Sophie Mayer, déléguée générale du Cipalin.
La filière assure rester en lien direct avec les autres interprofessions impliquées dans ce dossier pour favoriser une rotation des cultures diversifiée. « Les relations entre la filière betterave et la filière lin fibre sont constructives pour élaborer ensemble, une argumentation cohérente qui repose sur des données scientifiques et vérifiées », ajoute Pascal Prévost.
Et Bertrand Gomart de conclure : « d’ailleurs toutes les filières défendent la même position ; que ce soit le lin, le colza, le maïs, la pomme de terre et la betterave. Nous espérons que les intérêts et la pérennité de nos filières cousines seront préservés. »
(1) Agence nationale de sécurité sanitaire.
(2) Institut technique et scientifique de l’apiculture.