Le projet d’arrêté pour l’utilisation dérogatoire de semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes définit des rotations très contraignantes pour les agriculteurs. Le colza ne pourrait être semé qu’à partir de l’année N+3 suivant une culture de betteraves sucrières. Alors que l’arrêté pourrait être signé dans les jours qui viennent, le président de Terres Inovia, Gilles Robillard, demande que le colza puisse être cultivé deux ans après une betterave. « Le fait de ne pouvoir cultiver du colza qu’en N+3 après une betterave pose un vrai problème pour les producteurs. C’est pourquoi la filière oléagineuse demande que le colza puisse être cultivé en N+2. Environ un quart de la sole de colza est situé en zone betteravière. Nous pourrions perdre entre 70 000 et 80 000 hectares de colza sur cette zone. C’est énorme, comparé aux 900 000 hectares cultivés en France, d’autant plus qu’il s’agit des terres aux meilleurs potentiels », alerte-t-il. Cette perte pourrait représenter environ 250 000 à 280 000 tonnes de graines en moins, soit 50 000 tonnes de protéines. « Or, le colza est la première source de protéines pour la nutrition animale en France. Il va falloir en importer davantage. Les conséquences seront énormes pour les agriculteurs concernés qui devront modifier leur rotation », prévient Gilles Robillard, qui estime que « cette décision aussi aura un impact sur les pollinisateurs : ces hectares de colza en moins signifient la disparition de ressources alimentaires pour les abeilles ».
Craintes en pommes de terre et sur le maïs en Alsace
Mêmes inquiétudes du côté de la filière pommes de terre. Ces dernières ne pourraient être plantées que deux ans après la betterave. « Autoriser le réemploi de néonicotinoïdes en semences de betteraves est une excellente chose, mais empêcher de mettre des pommes de terre en N+1 est une aberration. Il n’y a jamais eu de miel de pommes de terre. Ce n’est pas du tout une plante mellifère », insiste Geoffroy D’Evry, le président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). Pour lui, cela aura de lourdes répercutions. 10 % des surfaces seraient concernées dans la région Grand Est, en particulier la Marne, par cette restriction sur les pommes de terre après betteraves en N+1. « Il y aura un arbitrage des agriculteurs entre des semences de betteraves NNi et des semences de betteraves non NNI pour permettre les rotations », craint-il, en espérant que le texte puisse être revu.
Dans la filière maïs, c’est en Alsace que les inquiétudes sont les plus fortes, car la part du maïs est très importante. « 69 % de la SAU est occupée par du maïs dans le Haut-Rhin. Les betteraves sont systématiquement suivies par du maïs. Cela permet de faire une rotation dans des terres superficielles où les céréales ne sont pas rentables », rappelle Jean-Marc Schwartz, secrétaire général adjoint de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM). Pour lui, pour 2021, les assolements sont déjà faits et ils ne pourront être modifiés à la marge. « Cela impliquerait une absence de maïs l’an prochain après betteraves. Or le maïs est la culture la plus rentable pour nous », explique-t-il. Mais à terme, si le texte est maintenu en l’état, la surface betteravière pourrait fortement baisser en Alsace, ce qui pourrait mettre à mal à la sucrerie d’Erstein.