Une page s’est tournée dans l’histoire de Tereos. Après plusieurs semaines de conflits suite à l’assemblée générale du 30 novembre, Gérard Clay a été élu président du conseil de surveillance du groupe le 18 décembre, en remplacement de Jean-Charles Lefebvre. Un vote rendu possible grâce à la décision du tribunal de Senlis (Oise) de confirmer le même jour, dans leurs mandats d’élus au conseil de surveillance, Xavier Laude, Jérôme Hary et Gérard Clay. Le soir même, une réunion du conseil de surveillance était convoquée, avec 15 élus présents sur 25.
Le nouveau président du conseil de surveillance est une figure emblématique du secteur sucrier. Âgé de 61 ans, Gérard Clay est betteravier et céréalier à Brias (Pas-de-Calais). Son exploitation est rattachée à la sucrerie de Lillers (Pas-de-Calais). Il était président des Sucreries distilleries des Hauts-de-France (SDHF), avant d’organiser une fusion en février 2006 avec Tereos et d’apporter notamment les sucreries d’Attin et de Lillers. Il avait plaidé la complémentarité des deux groupes coopératifs et l’intérêt de leur union. Ce rapprochement avait permis à Tereos de conforter sa place de n°1 en France et de devenir le deuxième sucrier européen. Gérard Clay était devenu vice-président du groupe, avant que des dissensions n’éclatent fin 2016 au conseil de surveillance. Cela marqua le début d’un long bras de fer, conduisant au changement actuel.
Dès le 18 décembre, la première décision, de taille, du nouveau conseil de surveillance, a été la révocation d’Alexis Duval, président du directoire depuis le 1er octobre 2012, dont la stratégie de diversifications coûteuses était contestée. Cet acte historique a mis fin au règne de la famille Duval à la direction générale du groupe depuis trois générations. Une révolution !
Des pointures à la direction
Pour diriger le groupe, Gérard Clay et ses soutiens ont fait appel à de fins connaisseurs du secteur coopératif et de la betterave-sucre. Philippe de Raynal, ancien directeur général du groupe coopératif céréalier Axéréal de 2011 à 2017, a été nommé président du directoire. « Nous le connaissions depuis un an. Il a une richesse d’expériences très utile pour nous. Il est passé par l’industrie sidérurgique, la coopération, et a mené des restructurations de coopératives. Il a des qualités humaines essentielles, qui s’inscrivent parfaitement dans notre modèle. Il aime partager les réflexions et les décisions. C’est la base du bon fonctionnement d’une coopérative », affirme Gérard Clay. Parallèlement, Gwenaël Elies devient le nouveau directeur administratif et financier (DAF). Il a une solide connaissance du milieu betteravier, de l’amidon et des analyses financières. Il connaît à la fois très bien le secteur pour être passé par la CGB comme économiste ainsi que Tereos pour y avoir déjà travaillé sept ans, notamment comme directeur des études stratégiques.
L’objectif premier de la nouvelle équipe va être de réformer la gouvernance (lire l’interview de Gérard Clay dans ce numéro), pour impliquer davantage les élus et améliorer la rentabilité du groupe, qui reste fragile. Le résultat net est passé à 24 M€ sur l’exercice 2019-20 clos au 31 mars contre – 260 M€ un an plus tôt. Mais, sur le premier semestre 2020-2021 clos au 30 septembre 2020, le résultat net est resté négatif à – 6 M€ contre – 24 M€ un an plus tôt, malgré une amélioration de l’Ebitda du semestre (237 M€ contre 111 M€ en 2019-20). La récolte catastrophique de la campagne betteravière 2020 devrait fortement peser sur les comptes cette année.
Des activités non essentielles
La tâche de la nouvelle direction va être ardue. Le géant sucrier, présent sur quatre continents avec 22 300 salariés dans le monde, est lourdement endetté : 2,56 mds€ de dette financière sur l’exercice 2019-20. Le conseil de surveillance ne fait pas mystère de sa volonté de la réduire au plus vite, pour doter le groupe de meilleures marges de manœuvre. Un triple audit (financier, industriel et commercial) a été lancé pour identifier les forces et les faiblesses, et certains poids dont il faudra se séparer. « Perdre 20 à 25 millions d’euros par an au Mozambique n’est pas durable », insiste Gérard Clay. Une fois délesté de certaines diversifications non essentielles, Tereos entend donner la priorité à trois piliers : le sucre en France, l’amidon et la canne au Brésil, pour leur permettre d’être mieux armés dans le contexte d’une concurrence mondiale acharnée. Aucune usine ne devrait être fermée en France, mais « il faudra que les outils soient saturés » pour améliorer leur rentabilité. Pour cela, les planteurs devront semer suffisamment en 2021.
Enfin, la nouvelle équipe entend remettre les adhérents au centre des préoccupations du groupe. « Le prix de base de la betterave doit être rémunéré par les activités de Tereos France, auquel s’ajoutent des dividendes issus de la diversification », insiste Gérard Clay. La logique de transparence et de partage des informations sera poursuivie avec les élus. « Nous nous sommes battus en 2017 pour installer un comité de rémunération et un comité d’audit. C‘est par notre action que ces comités ont pu voir le jour pour porter à la connaissance des élus le montant des rémunérations des dirigeants », rappelle le président du conseil de surveillance. Gérard Clay et ses soutiens affirment vouloir apaiser les tensions et réconcilier les deux clans qui se sont affrontés durant de longs mois. Cela sera décisif pour permettre au groupe d’avancer à nouveau sereinement.