Les marchés des céréales achèvent l’année avec des prix bien supérieurs à leurs niveaux de 2019, à la même époque. Lundi 14 décembre, les cours des céréales se sont redressés après avoir fléchi de quelques euros les jours précédents. À Rouen, le prix de la tonne de blé a de nouveau atteint le seuil de 210 €. Dorénavant, l’orge fourragère (198 €/t) affiche une décote de 12 €/t et celle du maïs (189 €/t) de 21 €/t.
Les opérateurs comprennent que la campagne de commercialisation s’achèvera avec des stocks mondiaux de report quasiment identiques à leurs niveaux de la campagne précédente (+ 2 Mt selon l’USDA), voire en léger repli (- 5 Mt selon le Conseil international des céréales – CIC). Les pays exportateurs majeurs de céréales seront aussi affaiblis. Or, la planète n’a jamais autant produit de grains (2 219 Mt) !
Mais la consommation de céréales bat aussi des records (2 220 Mt ; +18 Mt sur un an selon le CIC). En cause, la stratégie de stockage et de renouvellement des stocks dans laquelle l’Inde et la Chine persévèrent, campagne après campagne. Les deux pays vont encore importer du blé et du maïs, alors qu’ils n’en ont a priori pas besoin.
En fin de campagne, la Chine disposera alors de 161 Mt de blé, soit plus d’une année de consommation, et de 191 Mt de maïs (8 mois de consommation), après en avoir respectivement importé 8,5 Mt et 16,5 Mt, selon le département américain de l’agriculture, l’USDA (United States Department of Agriculture).
Or, cette stratégie fragilise le bilan de campagne des principaux pays exportateurs de la planète. Comme ces derniers puisent sur leurs stocks pour satisfaire l’ensemble des demandes, ils achèveraient la campagne 2020-2021 avec seulement 64 Mt de blé (+ 5 Mt pour une production mondiale record de 774 Mt) et 60 Mt de maïs (- 9 Mt pour une production de 1 143 Mt), selon l’USDA.
Des marchés fragilisés
Même avec sa petite récolte, l’Union européenne n’est pas en reste puisqu’elle a déjà vendu 1,2 Mt à l’empire du milieu (+52 % sur un an), selon FranceAgriMer.
L’équilibre des marchés mondiaux des céréales reste un vœu pieu. Les importations chinoise et indienne renchérissent les prix des grains achetés par les pays structurellement déficitaires.
Or, l’Afrique du Nord doit acheter 29,7 Mt de blé cette année – un record – alors que le nombre de pays exportateurs en mesure de l’approvisionner est restreint. Depuis le début de la campagne, 83 % des quantités de blé importé par l’Égypte (4,3 Mt) sont russes.
L’Argentine est frappée par l’El Nina et ses céréaliers pourraient préférer conserver leur récolte de blé, plutôt que de l’exporter pour ne pas avoir à convertir leurs recettes en dollars en pesos.
Enfin, les bonnes récoltes en Russie (83 Mt), au Canada (35 Mt) et en Australie (29 Mt) ne sont déjà plus que de bons souvenirs.
L’état des cultures d’hiver en Russie, et dans une grande partie de l’Europe centrale, est mauvais. Entre la mer Noire et la mer Caspienne, le déficit hydrique est très important. Le blé pourrait ne pas résister aux températures hivernales.
Dans ce contexte, les opérateurs français gèrent au mieux leur petite campagne d’exportation de céréales en bénéficiant d’une conjoncture de prix bien plus favorable qu’escomptée il y a six mois.
Au terme des quatre premiers mois de campagne, la France a vendu à ses voisins européens 1,94 Mt de blé (contre 2,62 Mt en 2019-2020), 0,83 Mt d’orges (1,21 Mt en 2019-2020) et 1,66 Mt de maïs (1,26 Mt en 2019-2020). Sur cinq mois de campagne, les ventes de blé vers les pays tiers portent sur 3,03 Mt de blé (3,98 Mt en 2019-2020) et sur 1,34 Mt d’orges (1,72 Mt en 2019-2020). Selon FranceAgriMer, 100 000 t de blé de plus que prévu le mois passé pourraient être exportées d’ici fin juin vers les pays tiers (6,95 Mt). Particulièrement compétitif, le maïs français s’exportera très bien (4,6 Mt, + 430 000 t sur an).
Des surfaces en nette hausse
Selon une enquête réalisée auprès d’experts par FranceAgriMer, 4,73 Mha de blé (+ 12 % sur un an), 1,26 Mha d’orges (+7%) et 240 000 ha de blé dur (+9 %) ont été semés. Plus de 90 % des conditions de cultures sont bonnes à très bonnes.