Sur les réseaux sociaux, ce fut un déferlement de haine et d’injures : « chasseurs tueurs » « chasseurs criminels » etc. La majorité de la presse prit la défense de « Curtis » le chien d’attaque de la victime, Elisa Pilarski. Brigitte Bardot écrivit même une lettre au ministre de tutelle pour lui rappeler la dangerosité des chiens utilisés par la chasse à courre. Rappelons les faits : le 16 novembre 2019, Elisa Pilarski, une jeune femme de 28 ans, enceinte de six mois, est retrouvée morte dans la forêt de Retz dans l’Aisne où elle était partie promener Curtis. Violemment attaquée et mordue à mort, elle a le temps d’alerter au téléphone Christophe, son compagnon. L’homme accuse aussitôt une meute de chiens de chasse à courre, en forêt au même moment, d’avoir dévoré sa compagne.
Le rapport de deux experts vétérinaires mandatés par la justice a balayé toutes ces hypothèses. Sa conclusion : « Curtis est pour nous l’unique auteur des morsures ayant causé le décès d’Elisa Pilarski. » Selon nos confrères du Courrier Picard qui ont publié ce document, les mâchoires de 62 chiens de chasse à courre et du pitbull Curtis ont été mesurées afin d’être comparées aux traces de morsures relevées sur la victime.
Les crocs n’étant pas de la même taille, les experts en arrivent à la conclusion que seul le pitbull a pu causer les lésions mortelles. Et ils précisent : « sur les chiens de meute, l’écart entre les crocs supérieurs est au minimum de 4,4 cm, l’écart de ceux de Curtis est de 3,6 cm. Or, sur les blessures, aucune lésion ne présente un écartement de plus de 3,6 cm ». Les deux vétérinaires affirment également que Curtis ne se serait pas battu avec d’autres chiens pour défendre sa maîtresse. Et pour cause : la meute n’était pas sur place au moment du drame. Ils affirment également que Curtis a été « illégalement importé des Pays-Bas avec des documents falsifiés » et qu’il a été « très mal dressé ». Pour ces experts, le scénario est simple : le molosse entend des cris, devient fou, arrache sa muselière et saute sur sa maîtresse qui tente de le calmer. La malheureuse aura le temps de téléphoner à son compagnon avant de succomber.
Le chien de meute craint l’homme
Cette affaire a relancé la question d’une éventuelle dangerosité des chiens de meute. Nous parlons des grands chiens de meute, des Français blancs et noirs, des anglo-français tricolores, des fox-hounds, des poitevins, et pas des bassets. Hauts sur pattes, ces chiens sont impressionnants. Ils « crient » fort (en vénerie, on dit crier et pas aboyer) et peuvent certes intimider les promeneurs. Pourtant, on ne peut pas imaginer chiens plus craintifs et plus doux. Il faut avoir vu les attardés errer dans la forêt, l’oreille basse et la queue entre les jambes. Si le piqueux les appelle, ils rallieront timidement et avec précaution. En meute, ces chiens chassent avec opiniâtreté mais jamais ils ne confondront un chevreuil, un cerf ou un sanglier avec un homme. C’est si vrai qu’on demande aux suiveurs de s’écarter d’une brisée pour que les chiens ne s’arrêtent pas. Le chien de meute craint l’homme. L’inquiétude du veneur, c’est précisément que ce dernier, mal placé, perturbe la chasse. Lancée au grand galop, la meute sera décontenancée par des personnes placées sur son chemin. Si elles s’avisent de bouger ou de faire des gestes, elle pourra même se bloquer.
Candeur
La chasse terminée, ces grands chiens sont aussi doux que des bichons. Si l’un d’entre eux s’égare en forêt, il va errer la queue basse, contrairement à d’autres chiens ou chats errants qui vont vite retrouver leurs marques. Il faudra beaucoup de patience, quand on l’aura retrouvé, pour qu’il consente à s’avancer vers l’homme.
Timides et prudents, ces grands chiens, quand ils sont en confiance, manifestent de l’affection pour leur maître. On voit des enfants s’avancer pour les caresser. Craintifs d’abord, les chiens finissent par les accepter et se montrent alors doux et soumis.
N’importe qui a suivi une chasse à courre peut témoigner de la candeur des grands chiens courants souvent désemparés quand ils ont perdu en route leurs compagnons.
Nous n’avons pas d’exemple d’une attaque sur l’homme depuis que la vénerie existe.
Cela aurait pu – et même dû – attirer l’attention des commentateurs.