Avec 12 t de MS/ha en moyenne, la production des luzernières se voit limitée depuis deux ans, surtout dans les parcelles à faible réserve hydrique. Et l’été 2020 a encore accéléré la tendance. Quels facteurs peuvent maintenir un niveau correct de production ? L’implantation reste évidemment une clé de la réussite. « Il devient de plus en plus difficile de faire lever les luzernes en fin d’été », constate Damien Larbre, conseiller à la chambre d’agriculture de la Marne. Déjà lors des semis 2018, le manque d’eau avait entraîné des levées tardives, se répercutant en 2019 sur de faibles enracinements. Ces luzernières mal implantées se trouvent pénalisées pendant deux campagnes, à la fois par un manque de réserves racinaires et par une moins bonne alimentation hydrique. « Malgré la sécheresse estivale, ce sont toujours en règle générale les implantations précoces d’été derrière escourgeon qui s’en sortent le mieux selon nos enquêtes », juge Baptiste Bert, chargé de mission agronomie pour La Coopération agricole luzerne.
Peu d’effet variétal
En comparant les principales variétés, l’enquête Agroluz 2019, conduite sur plus de 5 000 hectares, indique des rendements de deuxième année assez homogènes. Il existe peu d’écarts entre les luzernes les plus cultivées : Artémis, Sibémol, Mezzo et Galaxie. Concernant la dose de semis, les résultats montrent qu’il n’existe pas de corrélation entre la dose de semis et le rendement, au-dessus de 20 kg de semences/ha. Mais l’expérimentation sur la densité se poursuit. Comme les années précédentes, la technique du labour garde un léger avantage sur le semis direct et le semis simplifié, en permettant un meilleur niveau de production en première année.
Pour augmenter le potentiel d’une luzernière, le type de rotation reste un levier efficace. L’enquête pointe que l’allongement au-delà de 7 ans de l’intervalle entre 2 luzernes améliore le niveau de production d’environ 1 tonne de MS/ha, comparé à une rotation tous les 6 ans ou moins.
L’inoculation des semences joue aussi un rôle important pour la première année d’exploitation. En sol acide ou dans des parcelles n’ayant pas porté de luzerne dans le passé, il faut inoculer les semences pour assurer une présence suffisante de Rhizobium meliloti, la bactérie symbiotique qui fixe l’azote de l’air. De nouvelles technologies d’enrobage des semences sont apparues depuis quelques années. « En pratique, la levée en conditions sèches des semences enrobées ne semble pas différente », modère Damien Larbre.
Fumure : ne pas lésiner sur le phosphore
L’autre levier de productivité repose sur la nutrition. La luzerne demeure une culture gourmande en KO et aussi en P205. Les manques de potasse sur luzerne sont rares, car les apports se tiennent à un niveau assez élevé en 2019, autour de 270 kg/ha. Pour le phosphore, l’enquête Agroluz a comparé les parcelles recevant moins de 10 kg de P205 par hectare et celles en recevant plus de 70 kg par hectare, en bio comme en conventionnel. « Nous constatons comme l’an passé que la production de matière sèche est vite pénalisée en l’absence d’apport d’acide phosphorique », note Baptiste Bert. Il faut aussi rester attentif au magnésium et au soufre. Pour couvrir les besoins de la plante, l’expérimentation a montré qu’il était nécessaire d’apporter entre 60 et 100 kg de SO3 au redémarrage au printemps. « L’apport de magnésie sous forme sulfate permet de bien répondre aux besoins de la luzerne en soufre », signale Baptiste Bert. « Si le sol est déjà riche en magnésie, l’apport de soufre peut alors se faire sous forme de sulfate de potasse ou sous forme de vinasse ».
Le chaulage utile
Adaptée aux sols calcaires, la luzerne peut aussi bien se développer dans un milieu légèrement acide. L’étude publiée récemment par le Comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée (Comifer) montre alors l’intérêt d’un chaulage à l’implantation. Les essais ont testé des apports de CaO incorporés sur 0 à 15 centimètres. Les résultats confirment la possibilité de produire de la luzerne sur sol acide (pH 5.7 – 6,2). En relevant dès l’implantation le pH au-dessus de 6,5, l’essai réalisé a permis un gain de production supérieur à 1,5 t de MS/ha/an. Dans les conditions de l’essai, quelle que soit la dose de l’amendement calcique (CaO 1000 ou 2000) et sa forme, l’apport est rentabilisé sur deux années de production. Le Comifer n’est pas seul à s’intéresser au redressement du pH des sols. Les producteurs d’amendements ont résumé les grandes règles pour obtenir la meilleure efficacité d’un chaulage. La base du raisonnement repose sur l’analyse de terre, à faire au moins tous les cinq ans sur la parcelle. Une fois la correction de l’acidité et le besoin définis, l’épandage est une étape clé, dont le résultat dépend d’une répartition uniforme. Pour éviter que l’amendement soit entraîné par ruissellement, l’incorporation au sol est recommandée. Elle permet aussi une meilleure efficacité, car plus le mélange est intime avec la terre, mieux l’acidité sera neutralisée.