« C’est une année dramatique pour le sud de Paris », lance Cyril Lesaffre, P-DG de la sucrerie de Nangis. La jaunisse et la sécheresse font perdre 60 % de la production de betteraves de la zone d’approvisionnement, située exclusivement en Seine-et-Marne. Depuis le démarrage de la transformation des betteraves, le 25 septembre, le centre de réception enregistre des rendements allant de 10 t/ha pour les zones non irriguées à 60 t/ha pour les autres, avec une moyenne de 35 t/ha.
« Nous allons faire une campagne de 55 à 60 jours, contre 100 jours normalement », se désole Cyril Lesaffre. Difficile, dans ses conditions, d’amortir les frais fixes.
Pourtant, le sucrier a tout fait pour tenter de sécuriser ses approvisionnements : il a proposé un prix de betterave garanti de 27,10 €/t pendant trois ans (pulpe comprise) jusqu’en 2019. Mais vu le niveau des prix du sucre, l’industriel n’a pas pu tenir ce prix betterave et, pour les trois années suivantes (2020 à 2022), la sucrerie a annoncé un prix minimum garanti de 24 €/t. Résultat : les surfaces ont un peu diminué en 2020. Un système de grille négocié avec les membres de la commission de répartition de la valeur (CRV) permet des suppléments éventuels, en fonction des prix européens et mondiaux. Mais il est indexé sur les volumes livrés et, compte tenu des rendements, les agriculteurs ne les tiendront pas.
Pas d’aides pour les industriels
« Le chiffre d’affaires sera divisé par deux, les pertes pour l’exercice 2020-2021 devraient avoisiner les 15 M€ après amortissement », prévoit l’industriel seine-et-marnais. « Les responsables politiques ont pris en compte la situation des agriculteurs, même si le niveau des aides n’est pas celui attendu, mais il n’y a rien de prévu pour les industriels, regrette Cyril Lesaffre. Les seules aides sont celles du plan de relance Covid, alors que nous subissons une crise jaunisse. »
Le sucrier continue pourtant à croire en la betterave. Il avait préparé la fin des quotas, en proposant aux planteurs d’augmenter les surfaces. La production de sucre a bondi à environ 120 000 t en 2017, contre 90 000 t durant les campagnes précédentes. La sucrerie a investi régulièrement dans le renouvellement et la modernisation de ses outils : elle a refait la cristallisation (11 M€) en 2013 et le sécheur pulpe à vapeur d’eau surchauffée en 2015 (7 M€).
Aujourd’hui, l’usine de Nangis s’avère peu énergivore et son rayon d’approvisionnement est assez court (19 km). Du coup, ses émissions de carbone sont inférieures de 40 % à celles de la moyenne des sucreries françaises.
Le dernier investissement (7,5 M€), décidé il y a deux ans, est un nouveau lavoir dimensionné pour absorber 10 000 t de betteraves par jour. L’idée était de produire 120 000 t de sucre en 100 jours. « Ce sera pour l’année prochaine », espère Cyril Lesaffre, qui pense que la loi sur les néonicotinoïdes devrait rassurer les planteurs et les inciter à garder de la betterave dans leur assolement.