Confirmez-vous le retour aux bénéfices du groupe sur l’exercice en cours ?
Malgré la situation actuelle liée à la jaunisse, nous confirmons notre retour aux bénéfices. Nous devrions atteindre un Ebitda de 150 millions, contre 200 millions prévus. C’est une belle performance dans le contexte de la crise de la Covid-19.
Depuis des années, nous nous sommes imposé un désendettement fort avec une gestion prudente. Aujourd’hui, notre dette nette est de seulement 409 millions d’euros pour 1,1 milliard de fonds propres.
Nous nous sommes astreints à une rigueur financière stricte, avec une restructuration qui nous fait économiser 50 millions d’euros par an. Cela nous permet d’avoir une capacité financière saine. Si nous ne l’avions pas fait, les difficultés seraient importantes aujourd’hui. Nous n’avons pas eu besoin de souscrire de prêt garanti par l’État. Nous sommes plus forts qu’avant. Nous avons investi dans nos usines pour avoir une plus grande flexibilité industrielle. Nous avons pu réagir en un temps record durant le confinement pour répondre à la demande en alcool. Nous avons produit jusqu’à 800 000 hl d’alcool par jour. Nous sommes aujourd’hui le leader européen de la production d’alcool pour les gels hydroalcooliques. Cela nous a permis de compenser les deux tiers de notre perte de chiffre d’affaires en bioéthanol cette année par la production d’alcool.
Avec le retour des néonicotinoïdes, pensez-vous que la filière est sortie d’affaire pour les trois ans à venir ?
Cristal Union est monté au créneau très tôt, dès le début de l’été, pour demander une dérogation. Nous avons été suivis ensuite par l’ensemble de la profession, avec une implication forte de la CGB et du SNFS, ainsi que de nombreux politiques. Je remercie le ministre, Julien Denormandie, pour son courage, mais aussi le gouvernement et Emmanuel Macron. Je mesure l’effort que nous leur avons demandé. C’est la victoire de la vraie vie sur le dogme et l’idéologie.
Nous avons une obligation de résultat, il va falloir avancer vite. En trois ans, ce sera difficile d’être prêts, c’est un temps court pour la recherche. Mais il n’y a pas que la génétique pour apporter des solutions.
Quels sont les premiers résultats des réceptions de betteraves ?
Au sud de Paris, nous avons 100 % des parcelles touchées par la jaunisse. Les rendements descendent jusqu’à 15 à 20 tonnes. Dans certaines zones, nous sommes à -70 % de rendement. Nous avions trois sucreries qui tournaient à 85 jours jusqu’à présent. Là, avec deux, nous serons à peine à 75 jours. La région Normandie a été relativement préservée en apparence, mais la jaunisse et la sécheresse y ont quand même eu des effets sur les rendements. Au total, sur l’ensemble du groupe, nous serons, je pense, entre -20 et -30 % de tonnages. Nous allons finir entre 60 et 65 t/ha à 16 °S, au lieu de 80 à 95 t. Nous aurons une moyenne de campagne de 100 jours, contre 120 habituellement. Certaines régions résistent. C’est le cas de la zone d’Erstein. Il y a une grande hétérogénéité, mais les rendements tiennent dans l’ensemble. Nous ne sommes pas loin de l’objectif.
Quelle rémunération prévoyez-vous ? Allez-vous accompagner les planteurs en difficulté ?
En plus d’une rémunération de base à 24 €/t, un agriculteur engagé doit avoir une prime de compétitivité pour ses derniers 25 % de tonnages à 2 €/t. Or, beaucoup n’y accéderont pas cette année. Nous avons instauré une prime conjoncturelle de 1 €/t pour les derniers 25 % livrés par les planteurs. Nous sommes aussi en train de mettre en place un dispositif pour que les agriculteurs puissent débloquer leurs parts sociales d’épargne (PSE) et récupérer une partie de leur trésorerie avant la fin des cinq ans prévus initialement.
Craignez-vous que beaucoup de planteurs arrêtent la betterave en 2021 ?
Si nous n’avions pas eu la dérogation, cela pourrait être légitime, mais là, ils peuvent être rassurés par le projet de loi. Le message que l’on souhaite passer c’est de maintenir les surfaces en 2021 pour maintenir les outils de production. Il faut se projeter. En fin d’année, nous nous efforcerons d’annoncer des prix de base, avant les semis de 2021. Notre objectif est de payer les betteraves à terme entre 25 et 30 €/t. En Alsace, l’équipe en place se bat. Les planteurs ont mesuré l’importance de garder leur sucrerie. Entre 2019 et 2020, nous avons réussi à fédérer et à augmenter les surfaces. Nous sommes passés de 5 600 à 6 000 hectares, mais il faudrait aller plus loin encore.
Allez-vous continuer à doubler vos surfaces en bio en 2021 ?
Le marché est là, mais nous allons avancer prudemment. Cette année, à cause de la jaunisse, nous allons faire autant de tonnages avec près de 1 000 hectares que l’an passé avec 500 hectares. Nous allons aussi chercher des surfaces bio sur Erstein.
Où en êtes-vous de vos projets de décarbonation et de méthanisation ?
Nous voulons devenir l’un des leaders de la décarbonation, à travers plusieurs projets. Toutes nos sucreries fonctionnent déjà au gaz. Finis, le fioul et le charbon. Nous avons baissé de 9 % notre consommation énergétique et de 22 % nos émissions de CO2. Notre ambition est de diminuer de 50 % nos émissions de gaz à effet de serre en 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Nous avons de la pulpe qui peut être utilisée pour produire de l’énergie, sans remettre en cause les besoins pour l’élevage de nos adhérents. Nous avons des projets de méthaniseur et de ferme photovoltaïque sur Toury et ailleurs. Nous ferons des annonces dans les prochains mois. Nous sommes en train d’étudier les financements et de voir comment nous pourrions bénéficier de fonds liés au plan de relance.