Les agriculteurs ne se sentent pas toujours en difficulté. Ils savent serrer les dents et faire le dos rond, persuadés que cela ira mieux demain. En travaillant plus, en vendant un matériel ou avec l’arrivée des aides. Mais si cela ne suffit pas ? Mieux vaut anticiper un plan B avec son expert-comptable, sans forcément attendre que celui-ci tire l’alarme. En effet, lorsque les voyants sont au rouge chez lui, il est presque déjà trop tard.
Un diagnostic en amont, dès l’apparition des premières complications, est primordial. Il permet d’identifier les indicateurs vitaux à suivre (CA, marge, EBE, BFR, taux d’endettement, ratio de charges à l’hectare, délai de paiement client/fournisseur) et de mettre en œuvre une « thérapie » adaptée. Parmi les solutions, il ne faut pas négliger les procédures amiables (le mandat ad hoc et le règlement amiable) et collectives (la sauvegarde et le redressement), engagées devant le tribunal. Leur objectif est de protéger le débiteur, de l’accompagner. Il ne faut donc pas avoir peur du tribunal, ni honte de devoir en passer par là. Ces procédures sont précisément mises en place pour faire face aux complexités de l’entreprenariat.
Prévenir les difficultés
Le mandat ad hoc peut être sollicité dès que la société connaît des problèmes, alors que le règlement amiable peut être demandé en cas de difficulté juridique, économique ou financière « avérée ou prévisible ». L’un comme l’autre permettent d’obtenir en justice la désignation d’un tiers (mandataire ad hoc ou conciliateur). Sa mission est de faciliter la négociation et la conclusion d’un accord entre l’entreprise et ses créanciers/partenaires, pouvant porter sur des délais de paiement ou des remises de dettes.
L’une des particularités du règlement amiable est de pouvoir être réclamé par un créancier, et pas uniquement par l’exploitant. En pratique, c’est souvent la MSA qui déclenche cette procédure, laquelle permet aussi de suspendre les poursuites pour deux à quatre mois.
Ces procédures ont l’avantage d’être confidentielles, sauf dans deux cas en ce qui concerne le règlement amiable : lorsque les poursuites sont suspendues ou lorsque l’accord est homologué. Un avis est alors publié dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et dans un journal d’annonces légales.
Très souples, le mandat ad hoc et le règlement amiable sont efficaces en présence d’un ou deux créanciers seulement posant problème et si les difficultés sont prises en compte assez tôt. Au-delà, il faudra plus de temps pour les régler et s’orienter plutôt vers la sauvegarde ou le redressement judiciaire.
Traiter les difficultés
La sauvegarde est une procédure préventive qui permet de traiter les difficultés avant que l’entreprise ne soit en état de cessation des paiements. Autrement dit, avant qu’il ne soit plus possible de faire face au passif exigible (ses dettes échues) avec l’actif disponible (sa trésorerie principalement). Néanmoins, le chef d’entreprise doit justifier de problèmes qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Si l’état de cessation des paiements est avéré, l’agriculteur dispose alors de 45 jours pour demander l’ouverture d’un redressement judiciaire (ou si ce dernier est impossible, la liquidation judiciaire).
Grâce à ces deux procédures, l’entreprise peut se réorganiser pour poursuivre son activité. Sauvegarde et redressement judiciaire offrent à l’exploitant une protection qui se manifeste, notamment, par le gel des dettes contractées avant la procédure. Pendant une période d’observation de 6 à 18 mois, prorogeable en fonction de l’année culturale en cours, la cause des difficultés est identifiée et le plan préparé. Celui-ci peut être établi sur 15 ans et prévoit des mesures de restructuration de l’exploitation, de remboursement du passif, ou encore la protection des cautions de personnes physiques (le dirigeant et sa famille). Les créanciers sont obligés de s’y soumettre, sans possibilité de négocier leur créance en dehors de ce cadre, ni de mettre fin aux contrats avec le débiteur.
Déclenchés suffisamment en amont, ces outils s’avèrent très utiles pour permettre le redressement de la situation. C’est pourquoi il est primordial d’anticiper les difficultés et de les prendre à bras-le-corps.
Le tribunal compétent pour les sociétés civiles agricoles est le tribunal judiciaire. Pour les entreprises de forme commerciale (même à objet agricole), c’est le tribunal de commerce qui intervient. Le chef d’entreprise est alors jugé par ses pairs, et non par un juge professionnel, comme au tribunal judiciaire.