La crise sanitaire de la Covid-19 est-elle la nouvelle épée de Damoclès au-dessus de la tête des exportateurs de céréales ? Comme l’économie mondiale est en crise, un vent d’inquiétude souffle sur les places de marché. À Rouen, le repli récent de quelques euros de la tonne de blé serait en partie l’expression de cette crainte, selon Agritel, le spécialiste de la gestion des risques. Les opérateurs redoutent les impacts de l’expansion continue de l’épidémie sur les échanges commerciaux de céréales.
Dans leur dernier rapport, le Conseil international des céréales (CIC) et le ministère de l’Agriculture américain (USDA) n’éludent pas le danger que représente cette pandémie. Mais, pour l’instant, la menace est vaine.
Le CIC maintient à des niveaux records, à l’échelle mondiale, l’utilisation de céréales pour la transformation industrielle (269,2 Mt) et la fabrication d’aliments (628 Mt).
Les derniers ajustements apportés à ses prévisions aoûtiennes reposent sur des retours de moissons et sont liés aux conséquences des aléas climatiques observés tout au long des mois passés.
Le CIC estime dorénavant à 181,6 Mt (+ 1,7 Mt sur un mois) les exportations mondiales de blé. La Russie en exporterait 38 Mt sur les 81,5 Mt engrangées (+ 1,6 Mt sur un mois).
La Covid-19, vaine menace commerciale
L’Australie pourrait produire 28,4 Mt de blé (+ 13,2 Mt sur un an), mais l’Argentine, en partie pénalisée par la sécheresse, n’engrangerait que 19 Mt (- 1,4 Mt sur un mois). Les précipitations sont arrivées tardivement.
Mais la prochaine campagne mondiale de céréales se joue surtout en ce moment. Le bassin de la mer Noire est en pleine période de semis, alors que le déficit hydrique persiste. En cas de problème, le commerce mondial du blé pourrait rapidement être affecté.
Pour le maïs, le CIC revoit de nouveau à la baisse ses prévisions en matière de production. Les États-Unis ne récolteraient plus que 376 Mt (- 8 Mt sur un mois).
En Ukraine, les dégâts occasionnés par la sécheresse sont réévalués, chaque mois, à la hausse. Seules 35 Mt de maïs seraient produites (- 2 Mt sur un mois). En revanche, le Brésil est parti pour récolter 112 Mt (+ 10 Mt sur un an, + 32 Mt sur trois ans). Mais ces ajustements ne modifient pas le volume des échanges commerciaux : 178 Mt seront exportées dans le monde.
Un conflit diplomatique déstabilisant
Sur le marché de l’orge, les achats et les ventes mondiaux de grains sont arbitrés par le conflit diplomatique entre l’Australie et la Chine.
Un redéploiement des échanges commerciaux est en cours. Les conditions climatiques, favorables dans certains pays producteurs, défavorables dans d’autres, ont modifié la répartition des quantités de grains exportables entre les pays exportateurs (27 Mt au total). Et en taxant à 80,5 % l’orge australienne, la Chine a décidé de se passer d’un marché de 4,4 Mt de grains, sans pour autant renoncer à en importer 5 Mt. Or, seuls huit pays exportent plus d’un million de tonnes d’orge chaque année. À l’export, la Russie propose 5,1 Mt (+ 1,1 M), l’Ukraine, 5 Mt (+ 0,3 Mt), et l’Australie, 4,4 Mt (+ 1,2 Mt), alors que l’Union européenne ne dispose que de 5,7 Mt (- 2,1 Mt sur un an).
Aussi, les vingt-sept États membres ne peuvent expédier que 2 Mt d’orge en Chine. La céréale serait même essentiellement française (déjà 800 000 tonnes vendues). En conséquence, l’ex-empire du Milieu achètera de l’orge au Royaume-Uni, à l’Argentine, à l’Ukraine, au Kazakhstan et au Canada, les seuls pays autorisés à exporter vers la Chine.
Le sorgho est la quatrième céréale la plus produite dans le monde. Cette année, 60 Mt seront récoltées.
Sur les 45 Mt de céréales produites en plus dans le monde par rapport à 2019-2020, plus de 6 Mt sont du sorgho (2,5 Mt), du seigle (1,3 Mt) et de l’avoine (2,4 Mt). Ces céréales sont essentiellement consommées par les pays producteurs.
L’Union européenne contribue à cet essor. Elle a engrangé 7,5 Mt d’avoine, 8,7 Mt de seigle et 1,1 Mt de sorgho. En France, la récolte de sorgho atteindra 0,6 Mt de graines, soit deux fois plus qu’il y a trois ans.