Le président de la République a décidé d’interdire, pour cette saison, la chasse à la glu pour les grives et les merles. Le chef de l’État l’a annoncé après avoir reçu le président de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen, la veille, en présence de Barbara Pompili. « Cela fait longtemps qu’on devait le faire, c’est fait. C’est une mise en conformité avec le droit européen et une bonne nouvelle pour la biodiversité », a salué la ministre de la Transition écologique.

Cette suspension – une première en France – a été prononcée dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne, a indiqué l’Élysée. Elle a provoqué la colère des chasseurs.

La chasse à la glu est une méthode qui consiste à enduire des bâtonnets de colle – les gluaux – et à les poser dans les arbres afin de capturer des grives. Que se passe-t-il ? Les volatiles se posent, s’engluent, et tombent. On les capture, on les nettoie, puis on les place dans de petites cages que l’on hisse au sommet des arbres pour qu’en chantant, ils attirent leurs congénères.

Les grives et les merles ainsi capturés sont relâchés en fin de saison, et les prélèvements restent très faibles.

Cinq départements

Cette méthode de chasse n’était autorisée que dans cinq départements du Sud-Est et on ne pouvait y avoir recours que pour capturer des grives et des merles noirs, en respectant un quota (42 000 la saison dernière) et uniquement pendant la période de chasse fixée par le préfet.

Le 2 juillet dernier, la Commission européenne a une nouvelle fois demandé à la France de mettre fin « à la chasse illégale et de réexaminer ses méthodes de capture d’oiseaux », pointant notamment du doigt la chasse à la glu, interdite, selon elle, par la directive « Oiseaux » de 2009, qui préserve les espèces sauvages sur notre continent.

Le Conseil d’État ayant nié le caractère « cruel et non sélectif » de cette chasse, la Ligue de protection des oiseux (LPO) a porté plainte auprès de la Commission européenne.

Cette dernière donnait trois mois à la France pour mettre fin à cette méthode de chasse non sélective, menaçant de saisir la Cour de justice européenne. Cette instance a d’ailleurs déjà été saisie fin 2019 par le Conseil d’État, qui lui demandait précisément si la fameuse directive « Oiseaux » permettait ou non la chasse à la glu. C’est dans l’attente de cette réponse que le gouvernement français a décidé cette suspension d’un an.

« Les chasseurs ne peuvent pas comprendre que cette pratique soit sacrifiée au nom d’un affichage politique vert sans fondement réel pour qui se préoccupe réellement de biodiversité au sein des territoires, comme nous le faisons au quotidien ! », s’est agacé par communiqué le patron de la Fédération nationale des chasseurs. La FNC, qui revendique une chasse sélective, se dit « sidérée par l’attitude du gouvernement, qui manifestement perd son sang-froid face à une campagne de dénigrement ».

Dérogations

Emmanuel Macron, que rien n’obligeait légalement à décider cette suspension, a probablement voulu donner des gages aux écologistes, ces derniers lui reprochant ses sympathies affichées pour le monde de la chasse. En attendant, ce sont les chasseurs de grives du Sud-Est qui restent « englués ». Rappelons qu’il est toujours possible de déroger à la directive « Oiseaux » (article 9) si on en a la volonté politique. Il est tout à fait étonnant de voir que les oies cendrées sont gazées aux Pays-Bas ou que l’on tire pingouins et guillemots au Danemark.

La chasse des grives à la glu dans le Sud-Est est anecdotique. Elle ne concerne, en effet, que quelques dizaines de pratiquants. Mais son interdiction « déverrouillerait » toutes les autres formes de chasses traditionnelles, que ce soit les pantes et pantières à palombes, les tenderies aux vanneaux ou les filets à alouettes. C’est la raison pour laquelle on enfonce le coin avec autant d’ardeur.

Il s’agit d’un enjeu capital. Si les autres chasses traditionnelles tombent à leur tour, on s’attaquera aussitôt à la chasse à la hutte, à la vénerie – c’est déjà fait – et à la chasse au vol.

Dans le cas particulier qui nous occupe, le mot « glu » frappe l’opinion. Beaucoup pensent que l’on plonge les grives dans la colle. Sur un site d’éminents juristes, j’ai même lu « que l’on collait les oiseaux aux arbres ». En fait, il faut rappeler que cette fameuse glu n’étouffe pas les grives, qu’on ne l’utilise pas directement pour chasser et qu’apposée sur un bâton, elle a uniquement pour but de déséquilibrer les oiseaux pour pouvoir les capturer et en faire ensuite des appelants.

Sur Facebook, l’Association nationale de défense des chasses traditionnelles à la grive (ANDCTG) a convoqué une assemblée générale pour évoquer « les recours possibles ainsi que les actions à conduire pour ne pas perdre totalement nos droits ». Le combat continue.