On pourrait croire le tri et le conditionnement de pommes de terre d’une grande simplicité. Il n’en est rien, comme en témoigne l’usine Parmentine à Fère-Champenoise dans la Marne. Celle-ci a été entièrement automatisée en 2015, avec en particulier l’installation de caméras électroniques permettant de classer les tubercules selon leur aspect et leur diamètre. La chaîne de production ressemble à un enchevêtrement de convoyeurs où les patates, transportées sur des tapis bleus après avoir été lavées, finissent leur course sur une dizaine de lignes de conditionnement dédiées chacune à une seule variété (l’usine en traite une vingtaine), un seul calibre et un seul packaging à la fois. « Nous conditionnons 300 t de pommes de terre par jour, soit 46 000 t par an, dont 16 000 t de production locale, destinées aux grossistes et à la grande distribution », précise Thierry Lamblin, le directeur marketing et développement.
Adaptation permanente
Le métier de conditionneur de pommes de terre est devenu d’autant plus pointu que les obligations réglementaires se sont durcies au fil du temps, notamment sous la pression environnementale. Une petite partie de la production est déjà passée en HVE (haute valeur environnementale). Le bio arrive en force, au point d’inciter Parmentine à dédier son site de Bretagne à cette production. Les produits et processus sont certifiés GlobalGAP, Grasp et IFS Food, tandis qu’aucun lot ne sort de l’usine sans avoir satisfait à plusieurs analyses : multirésidus, taux de sucre… Dernière contrainte en date, l’interdiction des traitements antigerminatifs (CIPC), que Parmentine a anticipé dès la récolte 2019. Avec cette conséquence immédiate que le produit se conserve moins longtemps. « On perd un ou deux mois selon les variétés et les lots, ce qui se traduit par un manque de production en mai-juin », signale Thierry Lamblin. L’entreprise compense grâce aux récoltes du sud de la France, plus précoces, quoique moins adaptées au stockage. Le conditionneur marnais doit aussi abandonner ses conditionnements en plastique et réfléchit à des emballages en papier recyclable. La tendance est également à la réduction des formats, qui passent de 5 ou 10 kg à 1 ou 2 kg, allant de pair avec la diminution de la taille des ménages. Pour séduire les jeunes consommateurs, enclins à bouder la pomme de terre fraîche, Parmentine a même signé un partenariat avec Disney.
Cette faculté d’adaptation de la société repose en partie sur les épaules de ses 400 producteurs répartis dans toute la France, dont une trentaine dans l’ex-Champagne-Ardenne. La moitié en sont d’ailleurs actionnaires, ce qui insuffle une sorte d’esprit coopératif dans cette entreprise créée à l’origine par un groupe d’agriculteurs de la Marne. Parmentine signe avec les planteurs des contrats annuels et leur fournit des plants de pommes de terre certifiés afin de maîtriser les prix, les volumes et les calibres sur un marché menacé de surproduction en raison de l’augmentation des surfaces et de la baisse globale de la consommation.