Au nord de la Seine, des zones entières qui étaient jusqu’ici plutôt épargnées par les échecs de désherbage sont aujourd’hui concernées. En effet, sur un nombre croissant de parcelles, le désherbage de printemps basé sur des produits à action foliaire semble atteindre ses limites. C’est le cas dans plusieurs secteurs des Hauts-de-France comme la Somme et l’Aisne. Les facteurs aggravants sont la progression des cas de graminées résistantes et une météo de printemps peu favorable à la réussite du traitement. En particulier, la période suivant l’application peut être affectée, comme en 2019, par des vents desséchants ou de fortes amplitudes entre les températures diurne et nocturne. « Le ray-grass progresse en tous secteurs et de nouveaux sont concernés par l’agrostis résistant. Les quelques solutions chimiques encore utilisées au printemps sur les coquelicots craquent de plus en plus », observe Mathilde Lheureux, ingénieur-conseil de la chambre d’agriculture de la Somme, dans le bilan de campagne 2020. Dans ce contexte, deux priorités : « Il faut recourir à l’agronomie* pour baisser la pression générale et systématiser le désherbage d’automne à base d’herbicide racinaire dans tous les cas. » Le désherbage de printemps reste une issue uniquement en l’absence de résistance ou en dernier recours.
Quatre antigraminées pour l’automne
Plusieurs solutions demeurent possibles pour le désherbage automnal antigraminées, avec quatre matières actives : le flufenacet, la pendiméthaline, le prosulfocarbe et le chlortoluron. Le fllufenacet (Fosburi, Glosset, Enderix) se montre efficace surtout sur le ray-grass, le vulpin, l’agrostis et le pâturin. La pendiméthaline (Prowl, Codix Trooper) contrôle le coquelicot et le vulpin, et partiellement le ray-grass. Le prosulfocarbe (Defi, Daiko) a une efficacité sur le ray-grass et l’agrostis, mais celle-ci est plus limitée sur le vulpin. Le chlortoluron permet un contrôle du ray-grass et, dans une moindre mesure, de l’agrostis et du vulpin. Il faut ajouter le triallate (Avadex), un antigraminée utilisable exclusivement sur les orges.
Dans la panoplie antidicots d’automne figure le diflufénicanil-DFF (Compil), actif sur la majorité des espèces de dicots (gaillet, coquelicot, mouron, véronique…), tout en ayant un effet sur les graminées par synergie. Une nouvelle association DFF + florasulam (Impetus) vient aussi d’être mise sur le marché contre les dicots. « Dans les cas les plus complexes de désherbage (vulpin, ray-grass), les programmes peuvent associer le maximum de matières actives différentes », souligne Mathilde Lheureux.
Optimiser l’application
Plusieurs leviers peuvent améliorer l’efficacité et la sélectivité des herbicides à l’automne. Le premier tient à un semis régulier, à 2 cm de profondeur, en évitant de semer trop creux. En limitant les mottes en surface, on favorise aussi une répartition correcte des herbicides. Dans le cas de double désherbage d’automne ou en conditions de semis difficiles, il est possible de semer la céréale plus dense (10 à 15 %). Cette surdensité compense le risque de mauvaise sélectivité. Pour que le désherbage donne de bons résultats, il doit être pratiqué sur un sol suffisamment humide. Si le sol est trop sec, il est préférable de différer l’application. De même, si de fortes pluies s’annoncent dans les deux à trois jours, mieux vaut attendre.
Le moment idéal pour le désherbage d’automne se situe au stade 1 feuille vraie. C’est le meilleur compromis entre efficacité et sélectivité, surtout si l’on effectue une seule intervention à l’automne. Il est toujours envisageable de décaler le stade d’application avant ou après. Un passage unique réalisé très tôt au semis est à privilégier sur les implantations tardives, dans le cas où l’application au stade 1 feuille se montre trop aléatoire. Si l’on fait une double application à l’automne, le mieux serait un premier passage entre semis et levée, puis un second au stade 1 à 2 feuilles.
Risquer un désherbage tardif
Autre question : jusqu’à quand peut-on réaliser un désherbage d’automne ? Pour les derniers semis de novembre et décembre, l’intervention doit suivre au plus près le semis. S’il est décalé au stade 3 feuilles, le passage unique peut manquer d’efficacité sur des graminées développées, tels que le vulpin ou le ray-grass. Encore plus tardif, au stade pointant, un désherbage avec le DFF et la pendiméthaline devient risqué du point de vue de la sélectivité, surtout s’il est suivi d’une pluie. Quand le passage du pulvérisateur au bon stade n’a pas été possible, Arvalis conseille de l’effectuer même tard en début d’hiver, dès qu’une plage météo favorable se présente. Dans ce cas, il faut respecter les restrictions réglementaires de certains produits. « En 2019, de nombreux agriculteurs ont mis à profit de bons créneaux de pulvérisation fin décembre ou début janvier, avec les mêmes programmes ou presque que ceux prévus à l’automne. Ces applications même tardives ont donné de très bons résultats cette année-là dans les Hauts-de-France, grâce aux sols humides et aux températures poussantes, en absence de gel », note Mathilde Lheureux. Reste que des conditions météo favorables alors que la saison hivernale commence ne se reproduiront pas forcément d’année en année.
Marianne Loison
*Les leviers agronomiques pour contrer les résistances sont repris sur : http://www.infloweb.fr