« C’est une très bonne nouvelle si elle se confirme », se réjouit Pascal Chenu. Ce producteur de grandes cultures, installé à Lumeau (Eure-et-Loir) depuis 1988, a accueilli très favorablement la décision du gouvernement de réautoriser les néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves. « Le retour des néonicotinoïdes va nous permettre de supprimer des traitements par pulvérisation contre les pucerons et améliorer nos performances environnementales », explique-t-il. Son exploitation est certifiée à haute valeur environnementale (HVE) depuis septembre 2019. Elles sont encore rares à l’être dans les filières végétales : seulement 5 399, dont 80 % en viticulture, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture au 1er janvier 2020. En grandes cultures, elles n’étaient ainsi que 262 répertoriées à la même date. Pour Pascal Chenu, la certification environnementale, dont le troisième niveau est la HVE, est une sorte de « troisième voie de l’agriculture » – entre agriculture biologique et agriculture conventionnelle.
Une demande des consommateurs
« On s’est rendu compte qu’il y avait de plus en plus de demandes des consommateurs pour des produits haut de gamme respectant l’environnement. La HVE nous est apparue comme un argument supplémentaire pour être mieux référencé en GMS », explique-t-il. Produisant des oignons commercialisés dans une structure commune avec une cinquantaine d’autres agriculteurs (la Ferme des Arches), Pascal Chenu a choisi de s’engager dans cette voie il y a deux ans.
Quatre thématiques sont à respecter pour qu’une exploitation obtienne la certification HVE : la biodiversité, les phytosanitaires, les engrais et la gestion quantitative de l’eau. Il faut atteindre un résultat de dix points, avec plusieurs éléments à respecter ou à mettre en place le cas échéant sur l’exploitation, pour chacun de ces critères. Pour répondre aux critères de biodiversité, Pascal Chenu a notamment créé des bandes enherbées avec du ray-grass entre ses champs et ses bois, et des bandes de vesces et de trèfles aux bords de parcelles – soit l’équivalent de 2,5 hectares au total. « Bien souvent, les herbicides sont le facteur limitant des exploitations pour la certification HVE. Il faut savoir trouver des moyens pour réduire l’IFT », explique le betteravier adhérent chez Tereos à la sucrerie d’Artenay (Loiret). Les bandes enherbées sont un moyen mais pas seulement. Pascal Chenu réalise aussi moins de traitements herbicides en betteraves et privilégie le désherbage mécanique à l’aide d’une bineuse. En céréales, il réalise un faux semis et s’est doté d’un pulvérisateur de haute précision pour réduire les dispersions de produits phytosanitaires. Parallèlement, il a mis en place des mesures agroenvironnementales (MAE), avec la culture de luzerne et de dactyle sur son exploitation. Pour l’agriculteur, « la possible réintroduction des néonicotinoïdes en enrobage des semences va permettre de faire baisser l’IFT phyto de deux points environ et de garder une marge de manœuvre pour traiter en cas de maladies importantes ». En betteraves, la pression des maladies et des parasites est forte autour d’Artenay. « La priorité ici, ce sont les nématodes et la forte rhizomanie. Nous utilisons quatre à cinq variétés en double tolérance, mais elles sont plus sensibles à la cercosporiose », estime Pascal Chenu. Cela peut nécessiter des traitements supplémentaires.
Une rémunération en question
Certifié en septembre 2019, Pascal Chenu est maintenant tranquille pour dix-huit mois – jusque février 2021. Mais il sait qu’il doit rester vigilant et ne pas relâcher ses efforts. Défenseur de cette troisième voie de l’agriculture, l’exploitant reste cependant prudent, notamment concernant les efforts à fournir et le retour sur investissements. « Il faut que l’agriculteur puisse être mieux rémunéré au final sur ce qu’il produit compte tenu des prises de risques et des dépenses supplémentaires engagées », estime-t-il. Pour lui, la rémunération de la HVE doit au minimum combler l’augmentation des coûts de production (locations et achats de matériels comme une herse étrille, OAD comme Mileos ou Weenat, tensiomètre… mais aussi les parcelles engagées dans la biodiversité qui ne dégagent pas de revenus).
« Il ne faut pas que le dernier échelon garde la plus-value de la HVE réalisée sur les prix facturés aux consommateurs mais fasse bien remonter les marges aux producteurs », insiste-t-il, rappelant que « la certification appartient à l’agriculteur ».
La HVE en est encore à ses balbutiements. La route sera encore longue pour que cette certification se développe et se fasse connaître auprès des consommateurs. Ce sera le gage d’une meilleure rémunération des producteurs. De plus en plus d’acteurs se lancent dans cette démarche. C’est le cas de la coopérative Axéréal, mais aussi de la Scara, Unéal, Vivescia et tout récemment de Tereos. Cela semble en bonne voie.
Adrien Cahuzac