Pourquoi les spéculateurs ont-ils à ce point changé de vision sur le marché ? Premier élément, les Chinois sont de retour : ils ont besoin d’importer du sucre, leurs stocks, en début de saison, sont les plus faibles depuis 2011. Deuxième élément : la demande en éthanol du Brésil est forte, et les prix suivent dans un contexte de légère remontée du pétrole. La canne est d’ailleurs moins allouée au sucre, sur la dernière quinzaine, qu’elle ne l’était précédemment : 62 % de la canne des régions Centre et Sud ont été transformés en éthanol, contre une moyenne de 52 % depuis le début de la campagne. Et, troisième élément, les rendements sont prévus à un niveau bas en Europe, mais aussi en Thaïlande, qui ne produira qu’environ 8 Mt de sucre : jamais le pays n’avait si peu produit ces onze dernières campagnes.
Résultat : F.O.Licht estime un déficit sur la campagne en cours (2019-2020) de 6 Mt et, sur la suivante (2020-2021), de 1,8 Mt. Si cela se vérifie, les stocks mondiaux, dans un an, seraient à 38 % de la consommation du globe : on n’avait pas vu ça depuis dix ans.
Mais la poursuite peut-elle s’amplifier ? Difficile de l’imaginer : la monnaie brésilienne continue à souffrir : à 5,6 BRL pour un dollar, c’est un niveau alarmant qui donne un vrai avantage aux exportateurs brésiliens…
L’éthanol européen bat des records
Concernant le marché européen, les prévisions pour la campagne à venir restent autour de 400 €/t sortie sucrerie française, malgré les mauvais rendements à venir sur la campagne 2020-2021 : l’UE28 ne produirait pas tellement plus que 16 Mt, soit moins que ce que l’on faisait, en moyenne, sous quota (16,5 Mt) ! Avec peu de disponibilité de la part des marchés avec qui nous avons des accords commerciaux, le marché du spot devrait donc se consolider dans les mois à venir, car il faudra faire intervenir des importations sous tarif CXL, donc avec une prime de 98 €/t par rapport aux valeurs actuelles… La filière européenne saura-t-elle en profiter ?
Mais la grande nouvelle de l’été concerne l’éthanol européen, qui bat des records. Dans un contexte de retour quasiment normal de la demande, et de disponibilités réduites, il dépasse, sur le marché spot, les 75 €/hl : du jamais-vu. Même sur l’échéance d’octobre, on reste au-dessus des 60 €/hl : face à un marché mondial en reprise mais toujours faible (surtout en euro, dans un contexte de dollar faible), l’allocation vers ce débouché devrait donc être optimisée pour la campagne prochaine.