Lors du règlement d’une succession, l’héritier ou le conjoint survivant qui participe ou a participé à la mise en valeur de l’entreprise agricole laissée par le défunt a le droit de se faire attribuer celle-ci, même contre la volonté des autres héritiers. On parle « d’attribution préférentielle » (1), qui met fin à l’indivision, née à la suite du décès du propriétaire.
L’attribution préférentielle peut être demandée au moment du partage. En présence de biens immobiliers, elle devra être constatée devant notaire. Les biens objets de la demande peuvent constituer tout ou partie de l’entreprise agricole, mais ils doivent former un ensemble économiquement cohérent.
La demande peut porter sur des parts sociales ou actions si l’exploitation est sous forme sociétaire. Sont également concernés les biens mobiliers nécessaires à la mise en valeur de l’exploitation (tracteur, etc.). Ces biens et droits doivent être détenus en propriété ou nue-propriété par l’indivision, il ne peut s’agir d’un usufruit.
Un partage équilibré
En cas de pluralité de demandes ou de désaccord, il revient au tribunal judiciaire de déterminer le bénéficiaire des attributions suivant les intérêts en présence et l’aptitude du demandeur à gérer le bien. Pour l’attribution de l’entreprise, le juge tient compte de la durée de la participation personnelle des candidats à l’exploitation.
Lorsque les terres sont déjà louées à l’attributaire, la valeur du bien n’est pas dévaluée par la présence du bail. Sauf quand le titulaire du bail de l’attributaire est le conjoint, le bail doit alors être pris en compte dans l’évaluation.
Lorsque la valeur de l’exploitation est supérieure aux droits de l’attributaire, il doit dédommager ses copartageants pour que le partage reste équilibré. Cette soulte est en principe payable comptant au moment du partage, ce qui suppose que l’attributaire ait les capacités financières. Mais, dans certains cas, des délais de paiement sont possibles.
En propriété ou en jouissance
L’attribution préférentielle peut être demandée :
> Pour exploiter en faire-valoir direct. Dans ce cas, il faut distinguer selon la taille de l’exploitation, en prenant en compte les parcelles indivises, objets de la demande, et celles dont le candidat est déjà propriétaire. Si la surface de l’exploitation est inférieure à un seuil fixé au niveau des régions naturelles agricoles, l’attribution préférentielle est de droit. Le juge ne peut pas la refuser. Si la surface de l’exploitation est supérieure, l’attribution est facultative – autrement dit, subordonnée à la libre appréciation du juge. En cas de désaccord entre les copartageants, il regardera notamment si l’attributaire participe ou a participé à l’exploitation.
> Pour exploiter par bail à long terme. Dans ce cas, les terres peuvent être partagées entre les coïndivisaires et l’attributaire bénéficie d’un bail à long terme. L’exploitation doit alors constituer une unité unique et ne peut être exploitée sous forme sociétaire. Dans l’évaluation des terres, on prend en compte la décote due à l’existence du bail.
> Pour constituer un groupement foncier agricole (GFA). Dans la pratique, cette attribution est systématiquement doublée de la conclusion d’un bail. L’attribution est alors de droit. Tous les copartageants n’ont pas l’obligation de participer au GFA et peuvent alors recevoir d’autres biens non agricoles ou une soulte. La soulte est payable l’année suivant le partage et elle peut être acquittée par l’intermédiaire d’une dation en paiement qui s’effectuera grâce à l’acquisition de parts dans le GFA. Dès lors, même s’ils n’y participent pas, ils vont devenir associés. Ceux qui s’y opposent ont un mois pour se manifester et exiger un paiement en argent. Passé ce délai, leur silence vaut acceptation.
> Pour donner à bail. Un copartageant intéressé pour recueillir la propriété de l’exploitation et qui ne veut pas l’exploiter lui-même peut s’engager à louer par bail à long terme (dans les six mois du partage) à l’un de ses autres copartageants ou à ses descendants. Celui qui demande la propriété n’a pas l’obligation d’y avoir participé, contrairement aux futurs locataires.
(1) Article 831 et suivants du Code civil.