Les résultats du groupe sont dans le rouge pour la deuxième année consécutive. Pourquoi ?
Comme prévu, notre perte nette de 89 millions d’euros est moins élevée que l’an passé. Notre résultat s’est fortement amélioré sur les quatre derniers mois de notre exercice clos au 31 janvier. Contrairement à d’autres sucriers qui ont clôturé leurs comptes plus tard, nous avons moins bénéficié qu’eux du redressement des cours. Par ailleurs, nous avons continué à supporter les frais de restructuration des usines de Toury, Bourdon et Erstein, pour 61 millions d’euros. Sans cela, nous aurions affiché une perte de 28 millions d’euros.
Le groupe va-t-il renouer avec les bénéfices l’an prochain ?
Oui. Compte tenu de la mauvaise récolte attendue cette année en Europe, les cours européens du sucre devraient se maintenir au moins à 400 €/t. Nous estimons que notre Ebitda devrait se situer entre 150 et 200 millions d’euros, contre 63 millions pour 2019-2020.
Renoncez-vous à vos ambitions exportatrices de la fin des quotas ?
Nous continuons à exporter mais nous privilégions le marché européen. Nous étions persuadés, comme l’ensemble des groupes européens, que nous pourrions retrouver des marchés à l’export que nous avions perdus après la réforme de 2006. Mais ces marchés sont aujourd’hui captés par l’Inde et la Thaïlande en raison de leurs coûts de production moins élevés que les nôtres.
La crise du coronavirus va-t-elle peser sur les comptes l’an prochain ?
Nous avons fait face à une brutale chute des commandes de bioéthanol. Mais grâce à notre agilité industrielle, nous avons pu réorienter notre production vers de l’alcool éthylique surfin haut de gamme, pour répondre à la demande. Nous avons bénéficié du transfert des équipements de la distillerie Deulep (Gard) sur notre site Cristanol à Bazancourt (Marne). Notre filiale Dislaub a multiplié par trois sa production d’alcool à 30 000 hectolitres. Nous sommes devenus le leader de la production d’alcool en Europe, ce qui a compensé notre perte de chiffre d’affaires en bioéthanol.
La diversification des activités va-t-elle être poursuivie ?
Oui, nous avons différents projets. Nous voulons transformer les contraintes liées aux objectifs de décarbonation de 2030 en opportunités. Nous avons achevé notre transition énergétique et nous sommes déjà en route vers la décarbonation avec trois chaufferies biomasse installées et deux unités d’autoproduction de biogaz. Ces efforts vont être amplifiés en vue de la production d’énergies renouvelables, sur le site de Sainte-Émilie, où nous avons une centrale de cogénération, et à Arcis-sur-Aube, où nous avons un projet de méthanisation à base de pulpes de betteraves. Nous travaillons aussi à une reconversion du site de Toury vers de nouvelles activités, en lien direct avec la décarbonation.
Pour 2019, le groupe a payé les betteraves 22,73 €/t, soit moins que plusieurs sucriers privés. Comment l’expliquez-vous ?
Les groupes qui ont pu payer les betteraves à un niveau plus élevé sont soit de petites entreprises françaises qui ne disposent que d’une seule usine, soit des groupes privés européens qui ont choisi de procéder à une restructuration très lourde de leur outil de production en France. Quand on est une coopérative, nous sommes obligés de tenir compte des différentes spécificités et performances hétérogènes de nos sucreries et donner un prix moyen pour satisfaire le plus grand nombre de nos coopérateurs. Mais jusqu’à la fin des quotas, nous étions parmi ceux qui payaient le mieux les betteraves. Pour 2020, nous avons annoncé un prix indicatif en hausse sensible, de 23 €/t, avec une prime de fidélité économique de 2 €/t sur les derniers 25 % de l’engagement du coopérateur afin de les inciter à maintenir, voire à développer, leur sole betteravière.
Propos recueillis par Adrien Cahuzac