Garantir la sécurité alimentaire des concitoyens et assurer une production agricole durable. C’est l’objectif du plan « Farm to fork » (De la ferme à la fourchette), présenté par le 20 mai par Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne en charge du Green Deal, Stella Kyriakides, commissaire européenne à la Santé et Virginijus Sinkevičius, commissaire européen à l’Environnement. Un cadre législatif de vingt-sept mesures a été proposé, s’intégrant, comme le plan Biodiversité, dans la stratégie du Pacte vert (Green Deal) de la Commission européenne.
« La crise du coronavirus a souligné l’importance de disposer d’un système alimentaire sûr, capable de fournir aux citoyens des denrées alimentaires suffisantes à des prix abordables », a déclaré Stella Kyriakides. Pour elle, la pandémie actuelle n’en est qu’un exemple. Les sécheresses, inondations et feux de forêts de plus en plus fréquents et les nouveaux organismes nuisibles ne cessent de nous rappeler que notre système alimentaire est menacé et doit devenir plus durable et plus résilient.
Des contraintes drastiques
Avec ces stratégies Farm to fork et Biodiversité, Bruxelles propose une série d’objectifs élevés à atteindre d’ici à 2030 :
– une réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires,
– une baisse du recours aux engrais chimiques d’au moins 20 %,
– une réduction de 50 % de l’utilisation des antibiotiques en élevage et en aquaculture,
– consacrer 10 % de la surface agricole à des usages non productifs,
– parvenir à 25 % des terres agricoles en agriculture biologique, contre 8 % environ aujourd’hui, a expliqué Frans Timmermans.
La Commission formulera des recommandations à chacun des États membres avant qu’ils ne présentent officiellement leurs projets de plan stratégique (PSN). Elle leur demandera également d’attribuer des valeurs cibles nationales précises.
Pour parvenir à ces objectifs, la Commission veut déployer différentes solutions alternatives afin « de maintenir les revenus des agriculteurs ». Elle prévoit une révision de la directive relative à l’utilisation des produits phytosanitaires compatibles avec le développement durable et de renforcer les dispositions relatives à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. « L’objectif est de ne laisser aucun agriculteur sur la route », a insisté Stella Kyriakides.
La stratégie prévoit également que toutes les zones rurales devront avoir accès à l’internet à haut débit d’ici à 2025, pour faciliter l’innovation numérique.
S’appuyer sur la PAC
Pour accompagner les agriculteurs dans ces contraintes plus fortes, la Commission souhaite essentiellement s’appuyer sur la future PAC. « Les nouveaux Eco schemes seront une source importante de financements pour stimuler les pratiques durables, telles que l’agriculture de précision, l’agroécologie, le stockage du carbone dans les sols agricoles et l’agroforesterie », a expliqué Frans Timmermans. Un certain nombre de dispositifs pourront être également financés par le programme Horizon Europe doté de 10 milliards d’euros consacrés à la recherche et à l’innovation dans les domaines de l’alimentation, de la bioéconomie, des ressources naturelles et de l’agriculture. Le fonds InvestEU encouragera les investissements dans le secteur agroalimentaire en réduisant les risques liés aux investissements des entreprises européennes et en facilitant l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) au financement.
Enfin, la commissaire à la Santé a tenu également à répondre à certaines critiques notamment sur les charges lourdes que la Commission souhaite imposer à la production agricole alors que l’Europe est encore en pleine crise du coronavirus. « Nous sommes conscients des difficultés rencontrées par les agriculteurs durant cette pandémie. Mais cette crise nous montre qu’il faut préparer l’avenir pour disposer d’un système alimentaire robuste. Le plan Farm to fork tombe à point nommé », a-t-elle insisté en rappelant qu’il ne fallait « pas attendre la prochaine crise pour agir ».
Réagissant aux annonces de la Commission, les organisations de producteurs de grandes cultures (AGPB, AGPM, CGB et Fop) ont estimé que les objectifs du Green Deal pourraient « se traduire par une baisse de 30 % en moyenne des volumes de céréales, d’oléo-protéagineux et de betteraves sucrières ». Ils espéraient « l’annonce d’une nouvelle politique commerciale pour limiter les importations à bas coûts dont les pratiques ne répondent pas aux exigences pour notre agriculture ». Lors d’une conférence organisée par l’association des journalistes de l’Afja, le 19 mai, la députée européenne (PPE) Anne Sander avait aussi regretté des contraintes toujours fortes envers les agriculteurs européens, alors que la Commission ouvre dans le même temps les portes de l’Union avec des accords de libre-échange, comme avec le Mexique. « C’est à cause de telles contradictions que l’Europe se décrédibilise », a-t-elle lancé.