Les ministres demandent l’application de mesures de soutien en vertu du règlement de l’organisation commune des marchés agricoles (OCM), le filet de sécurité du secteur en cas de crise du marché. L’OCM peut, par exemple, compenser la chute des prix.
L’arsenal de moyens pour concrétiser ces dispositions comprend notamment l’intervention de l’État, l’aide au stockage privé, une possibilité de retrait et d’autres mesures exceptionnelles de soutien prévues par la PAC.
Plus spécifiquement, les ministres invitent l’exécutif européen à déclencher le mécanisme d’aide au stockage privé, un type classique d’intervention publique de l’UE qui vise à rééquilibrer un marché perturbé en réduisant l’offre excédentaire à court terme.
Conformément au droit communautaire, l’aide au stockage privé peut être débloquée sur certains marchés, comme ceux du sucre blanc ou des produits laitiers, mais la Commission doit évaluer et approuver le mécanisme s’il va au-delà d’un seuil spécifique.
Les signataires de la déclaration évoquent aussi l’article 229 du règlement de l’OCM relatif aux mesures exceptionnelles à imposer en cas de perturbation des marchés. Cet article est généralement invoqué pour lutter contre une évolution significative des prix sur les marchés intérieur ou extérieur, ou lorsque toute autre circonstance perturbe ou menace de perturber les marchés.
Les chefs de l’agriculture européenne rappellent aussi qu’en vertu de l’article 221, la Commission peut, en cas de nécessité et pendant une période limitée, adopter des actes d’exécution qui dérogent aux dispositions du règlement de l’OCM.
Comme la crise pourrait potentiellement avoir des conséquences graves à moyen et long terme sur le secteur agricole, l’industrie alimentaire et l’économie rurale au sein de l’UE, les vingt-sept ministres invitent la Commission à surveiller de près le secteur agroalimentaire et à s’apprêter à déclencher d’autres mécanismes de l’OCM si nécessaire.
Une source diplomatique croate contactée par Euractiv précise que l’initiative de rédiger une lettre n’émanait pas de la Croatie, qui assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE — bien que Zagreb soutienne la démarche.
Toujours le 17 avril, des eurodéputés de la Commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI) du Parlement ont rédigé une lettre à l’attention de Janusz Wojciechowski, le commissaire européen à l’agriculture, dans laquelle ils urgent l’exécutif d’instaurer des mesures d’urgence et d’intervenir directement sur le marché.
Dans le document qu’Euractiv a pu consulter, la Commission de l’agriculture enjoint l’exécutif européen à utiliser les instruments d’urgence prévus par l’OCM « sans attendre ».
Les eurodéputés appellent en outre la Commission européenne à puiser dans 478 millions d’euros de réserves inutilisées d’aide d’urgence aux agriculteurs, normalement allouées sous la forme de payements directs. Selon eux, ces payements directs devraient être versés aux agriculteurs qui ont été profondément affectés par la pandémie.
Les auteurs de la lettre ont par ailleurs réagi aux affirmations de Janusz Wojciechowski, qui avait déclaré deux jours plus tôt, lors d’une audition de la Commission de l’agriculture, que le budget disponible pour concrétiser les mesures de soutien du marché était très limité.
« Ces attentes sont légitimes, et si la Commission possédait une bourse bien garnie, elle puiserait dedans sans attendre », avait-il alors soutenu.
Il a toutefois ajouté qu’une telle somme d’argent n’était pas disponible dans le cadre financier actuel, comme rien ne laissait présager l’arrivée de la crise lorsque le budget a été adopté l’année dernière.
D’après le commissaire polonais, la pandémie a durement touché l’industrie laitière et certaines filières de production de viande. Le marché la floriculture est également presque à l’arrêt et l’agritourisme rencontre les mêmes difficultés que le reste du secteur touristique.
Dans son évaluation hebdomadaire de l’impact du COVID-19 sur le secteur agricole, la Copa-Cogeca, le comité européen des agriculteurs, a mis en garde sur le risque de pertes qui menace l’entièreté de la chaîne alimentaire. Et d’ajouter que la disparition de marchés cibles a empêché certaines exploitations agricoles de vendre leur lait cru.
Gerardo Fortuna (Euractiv.com) – traduit par Morgane Detry