Betteravier il était, betteravier il est redevenu. La formule résume assez bien la carrière betteravière de Gerold Stöcklin. L’agriculteur est installé à Weisweil (Bade-Wurtemberg) avec un salarié à plein temps, à cinq kilomètres du Rhin, sur des terres argilo-sableuses profondes qui retiennent plutôt bien l’eau. Jusqu’en 2005, ses betteraves partent chez Südzucker, d’abord par train à une bonne centaine de kilomètres, puis par camion à quelque 300 kilomètres de distance. À l’époque, Gerold n’a d’autre choix que d’accepter le dédommagement que son acheteur propose à tous les planteurs jugés trop éloignés d’une usine, dans le cadre de sa restructuration. La parenthèse sans betteraves ne durera que quatre ans. En 2009, la sucrerie d’Erstein (Bas-Rhin) prospecte dans son secteur en passant des annonces dans la presse agricole et en organisant des réunions d’information. Gerold sait à quoi s’attendre. Sa récolte n’a que le Rhin à traverser et cinquante kilomètres à parcourir. Il se relance avec quelques autres. Depuis, il implante chaque année entre 9 et 12 ha. « La betterave récupère mieux qu’un maïs après un coup de sec. Elle me laisse un sol bien structuré. Elle contribue à la diversité de mon assolement qui comprend déjà du tabac Virginie, du soja, du maïs grain et du maïs semences. Elle me sert à isoler ces dernières parcelles. La betterave revient en général après trois ans. La taille de mes parcelles, qui vont de 30 ares à 6 ha, est un handicap. Elles mesurent en moyenne entre 2 et 2,5 ha et toutes ne possèdent pas un chemin agricole suffisamment stable pour permettre l’accès des camions. Cela complique encore la rotation », analyse Gerold.
Un potentiel de 85 à 95 t/ha
La betterave est précédée et suivie d’un maïs. Gerold prépare le sol par un labour hivernal repris par deux passages de dents associées à un rouleau. Fin mars, début avril, il ressort son vieux semoir pour implanter 120 000 graines/ha. En 2019, il a planté Nautile et Okapi, deux variétés résistantes à la rhizomanie et au rhizoctone. Trois herbicides et de deux à quatre fongicides sont nécessaires par campagne. « Le nombre de traitements à effectuer est un problème de coûts à maîtriser, de charge de travail et d’image de la culture », lance Gerold. Il travaille en bas volume et réduit les doses, mais cela ne semble pas toujours suffire aux yeux de ses concitoyens qui le voient manœuvrer son pulvérisateur de 1 200 l équipé d’une rampe de 21 m. Le thème des produits phytosanitaires est sensible et Gerold n’a pas envie de s’étendre sur le sujet. La pression de la cercosporiose reste supportable. Gerold peut irriguer la moitié de sa superficie, mais la betterave est rarement concernée. L’interdiction en Allemagne comme en France des néonicotinoïdes a redonné de la vitalité aux pucerons en 2019, sans cependant justifier un traitement. « J’ai eu une levée homogène et de la pluie en août. Les feuilles sont restées saines jusqu’au bout. L’année a exprimé la fourchette haute du potentiel de mes terres, que je situe entre 85 et 95 t/ha à 16 °S », commente Gerold qui annonce par ailleurs un rendement moyen de 120 q/ha en maïs et de 35 q/ha en soja.
Une décision prise à l’année
Le seul betteravier de Weisweil échange régulièrement avec Michel Butscha, le technicien de la sucrerie d’Erstein. « J’apprécie ses conseils. Le service fourni est exemplaire. Les relations avec Cristal Union sont plus intenses que ce qu’elles étaient avec Südzucker », juge Gerold. Il s’est déjà rendu deux fois à l’usine durant la campagne, mais n’a jamais encore assisté à une réunion ou à l’assemblée générale de section. « Mon français se limite à quelques notions apprises du temps de ma scolarité », justifie-t-il. En 2020, il a semé 9 ha, un hectare de moins qu’en 2019. « Je prends ma décision à l’année. Il faut de la continuité. Il ne sert à rien de changer son assolement à tout bout de champ. Si j’éliminais chaque année une culture dont le rapport ne me satisfait pas, je ne planterai plus rien. Je continue la betterave car elle ne représente qu’un faible pourcentage de mes recettes et aujourd’hui la rentabilité de beaucoup de cultures est interchangeable. Si le prix était meilleur, ce serait différent. 26 à 28 €/t serait la bonne direction. À l’inverse, si le prix continue à baisser, j’arrêterai même si, sans que je puisse le chiffrer, je suis convaincu que la betterave est bénéfique au concept global de mon exploitation. »
Ferme du Waldeckhof :
Weisweil (Bade-Wurtemberg)
SAU : non communiquée
Betteraves : 9 ha