La suppression du labour et la simplification de l’itinéraire d’implantation peuvent être recherchées pour diminuer les charges de mécanisation, diminuer les temps de traction et le coût de main-d’œuvre associé, ou encore rationnaliser et réduire le parc matériel de l’exploitation. Les techniques sans labour sont également mises en avant dans un objectif de conservation des sols (en particulier contre l’érosion) et concourent ainsi à la réduction de consommation d’énergie fossile.

Elles sont le plus souvent mises en œuvre pour toute la succession de culture, et souvent pour l’ensemble de l’exploitation. L’ITB a établi un grand nombre de références expérimentales, qui portent sur différents niveaux de simplification, du simple remplacement de la charrue par un outil de décompactage jusqu’au travail de type TCS limité à l’horizon superficiel, voire au semis direct. Ces essais ont été conduits chez des agriculteurs déjà praticiens ou en transition vers ces modes de conduite, donc déjà exercés. Les principaux types d’itinéraires testés sont présentés en bas de page.

Première étape : réussir la levée

Quel que soit le mode de travail du sol choisi, la réussite se joue dès la phase de levée. La levée peut être plus lente en conduite sans labour (voir figure 1). Dans nos séries d’essais, le temps nécessaire pour atteindre 80 % de levée est augmenté de deux jours en conduite de type TCS, mais parfois plus si la mise en terre est très défectueuse (essais de Lieusaint ou Gironville). Les écarts sont plus rares en travail avec décompactage. Dans tous les cas, les populations finales sont rarement affectées. Les deux raisons des levées décalées, raisons souvent indissociables, sont un effet isolant des résidus végétaux, pailles et couverts maintenus en surface qui freinent le réchauffement de l’horizon superficiel, ainsi qu’un manque de contact terre-graine si la structure n’est pas suffisamment affinée. En ce sens, il est impératif de garder un travail du sol superficiel suffisant avant semis, qui peut être anticipé dès les épisodes de gel en hiver par une intervention de répartition des résidus et de mélange superficiel. L’importance de la qualité de mise en terre proscrit les méthodes de semis direct, même avec le meilleur semoir à disques ouvreurs, tant le risque de manque de terre fine et de déficience de contrôle de profondeur est élevé (beaucoup de graines restent visibles en surface). Généralement, le maintien d’un déchaumage et d’un passage de type décompactage profond en fin d’été réduit fortement la quantité de résidus, facilitant le semis, autorisant même un semoir conventionnel, mais laisse un sol trop nu pour espérer une forte protection contre la battance et l’érosion. C’est donc surtout dans les conduites en travail uniquement superficiel que la gestion des résidus, pailles et couverts d’automne doit être attentive. L’utilisation de chasse débris sur le semoir est aussi une mesure de sécurité. Sur ces points, la perspective de la disparition du glyphosate rendra ces itinéraires d’autant plus délicats à conduire. Des travaux communs aux instituts (Acta, Arvalis, Terres Inovia, Fnams, ITB) sont conduits pour apporter des solutions opérationnelles (projet AGATE en cours).

L’enracinement conditionné par la structure en profondeur

La vitesse de levée n’est pas le seul point d’attention. Des productivités moins bonnes en non labour sont mesurées dans des essais sans problème de vitesse d’émergence. Ils sont alors dus à des enracinements perturbés par la structure trop hétérogène, soit latéralement (manque d’effet de fissuration de l’outil de décompactage s’il fait partie de l’itinéraire), soit verticalement par la superposition d’un horizon travaillé très friable et d’un horizon plus profond beaucoup plus ferme (constat fréquent dans les expérimentations en TCS et discontinuité de structure qui peut être accentuée si toute la rotation est conduite de la même façon). Un conseil général : se montrer très attentif aux risques de compactages, surtout en sols de limon, dont la régénération sera très lente en l’absence de travail du sol profond. La meilleure façon d’appréhender ces risques est de rester opportuniste et de s’appuyer sur l’observation, pour décider des interventions selon l’état du sol en profondeur et l’évolution attendue. Un constat de sol compacté ou pris en masse dans l’horizon 10-30 cm décide de l’intervention de travail profond. Le labour n’est alors pas à exclure.

La productivité rarement très pénalisée

En maintenant le décompactage, on suit un itinéraire très comparable aux itinéraires avec labour, c’est plus le positionnement des passages que leur nombre qui est modifié. Il est donc logique de constater des résultats de productivité très proches des itinéraires labourés mis en comparaison dans les essais (en moyenne 101 % de la productivité du labour, figure 2). Quelques baisses de rendements sont dues à des levées ralenties, au-delà de cinq jours en plus pour atteindre 50 % de levée, toujours relativement au labour (essais de Vignacourt en 98, Mespuits en 2006…). En itinéraire limité à un travail de surface (figure 3), la productivité est plus régulièrement pénalisée (en moyenne 96 % du rendement sucre obtenu en labour), soit par la levée ralentie (Lieusaint en 2000), souvent en raison d’un enracinement perturbé par la structure refermée en profondeur, révélé par un taux de fourchage élevé. à noter une référence intéressante, l’essai de Crisenoy en 2005, marqué par une battance forte et une prise en masse du labour au printemps, et un effet protecteur des résidus en travail simplifié qui se traduit par un gain de rendement notable.

évaluation économique

Les économies sont modestes avec un simple remplacement du labour par un décompacteur, et c’est le choix, plus technique, d’un itinéraire en travail superficiel qui représente un gain conséquent. Un itinéraire TCS peut, au fil du temps, conduire à un sol refermé et densifié, qui peut favoriser les difficultés d’enracinement. Sans doute une alternance des conduites et un travail de décompactage opportuniste sont un bon compromis. Le même constat est fait pour les temps de travaux, où le gain en travail simplifié est encore plus marqué (voir figure 5).

Faut-il sacraliser l’animal ?
Les levées sont ralenties sur quelques sites, révélant des difficultés de mise en terre ou un manque de réchauffement en conduite très simplifiée. ©ITB

Faut-il sacraliser l’animal ?
Résultats des itinéraires avec décomptage (figure 2) ©ITB

Faut-il sacraliser l’animal ?
Résultats des itinéraires en travail superficiel (figure 3) ©ITB

Faut-il sacraliser l’animal ?
Coût des interventions – référence essai de Vimy – (figure 4) ©ITB

Faut-il sacraliser l’animal ?
Temps d’interventions, essai de Vimy (figure 5) ©ITB

CE QU’IL FAUT RETENIR

La simplification du travail du sol ne doit pas aller trop loin : maintien de déchaumage(s), de préparation(s) pour une qualité de mise en terre optimale. La conduite en travail superficiel est délicate, une alternance avec un décompactage est préférable à un itinéraire en TCS continu.

Faut-il sacraliser l’animal ?
Travail superficiel ©ITB

Faut-il sacraliser l’animal ?
Itinéraire avec décompactage ©ITB

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Semis direct ©ITB

Faut-il sacraliser l’animal ?
Technique Strip Till ©ITB