La population agricole vieillit en Europe, et les jeunes prêts à reprendre le flambeau de l’exploitation familiale ou à se lancer dans la profession ne compensent pas les départs en retraite, loin s’en faut.
Ce constat unanime touche la France comme les autres pays. « Ne plus perdre de paysan devrait être un objectif européen » a affirmé l’eurodéputé français Jérémy Decerle (LREM) lors d’une table ronde organisée par Euractiv à Paris le 28 janvier. L’ancien président des Jeunes Agriculteurs a rejoint le Parlement européen lors des dernières élections européennes. « Et depuis le début de mon mandat, je ne peux pas dire que le sujet du renouvellement des générations soit un sujet de préoccupation. Pourtant, seulement 5% des agriculteurs européens ont moins de 35 ans, c’est un chiffre qui doit alerter ! »
Au niveau européen, la mise en œuvre du Pacte vert et de son volet alimentaire « de la ferme à l’assiette » laisse espérer une nouvelle gestion de la question agricole. « Il serait important d’inclure la question du maintien de l’agriculture européenne et des paysans dans la stratégie alimentaire du Green deal » affirme Jérémy Decerle.
L’UE est également en train de préparer la nouvelle mouture de sa politique agricole commune. Cette dernière ne devrait entrer en vigueur qu’en 2022, et prévoit d’ores et déjà des mesures renforcées pour les jeunes agriculteurs. La question de l’installation des jeunes agriculteurs est une priorité de la Commission européenne » a affirmé Maria Fuentes Merino de la Commission européenne.
La future PAC prévoit des dispositions telles que la hausse du plafond de l’aide à l’installation, qui passera de 70 000 euros à 100 00 euros. « Le plus novateur des dispositifs c’est de garantir que 2% des paiements nationaux seront dédiés aux jeunes agriculteurs, au travers de dispositions simplifiées » a affirmé Maria Fuentes Merino.
« Il faut que le sujet de renouvellement des générations en agriculture soit porté au niveau européen », a martelé le président des Jeunes Agriculteurs, Samuel Vandaele. « Monter le seuil des paiements nationaux aux jeunes agriculteurs de 2% à 4% montrerait une véritable ambition » a-t-il insisté.
En France, la question de l’installation des jeunes agriculteurs est compliquée par de nombreux facteurs tels que le prix du foncier, la faible attractivité de la profession ou encore la difficulté dans la transmission d’exploitation.
Mais la question des retraites, qui a secoué le pays ces derniers mois, plombe également ce renouvellement des générations agricoles. « En 2026, 45% des agriculteurs français auront atteint l’âge légal de la retraite » prévient Claire Brennetot du Ministère de l’Agriculture. Pour autant, cette génération ne laisse pas toujours place à la suivante, car nombre d’exploitants agricoles préfèrent conserver leurs terres et leurs aides PAC, plutôt que de basculer sur un régime de retraite peu rémunérateur.
Cette rétention du foncier agricole devient problématique en France. « Il est vrai qu’il y a un sujet sur le régime de retraite en France, mais il y a également une question à poser sur l’âge limite pour toucher les aides à la PAC » pointe du doigt Claire Brennetot.
Si la France a tenté de porter le sujet au niveau européen pour fixer un âge de « retraite » pour les bénéficiaires de la PAC, la Commission européenne lui a opposé une fin de non-recevoir. Selon Bruxelles, exclure les agriculteurs au-delà d’un certain âge des aides européennes s’apparente à de la discrimination.
Autre levier d’action envisagé par la France, permettre aux jeunes agriculteurs de bénéficier des aides à l’installation au-delà de 40 ans, l’âge limite prévu pour la PAC pour bénéficier du statut de « jeunes agriculteurs ».
Cécile Barbière (Euractiv.fr)