Comment se porte la chasse en ce début 2020 ?
Moins bien qu’elle le pourrait. Comme toutes les activités rurales elle doit faire face aux attaques d’une minorité d’extrémistes, qu’il s’agisse des vegans ou des fondamentalistes écologistes. Cette minorité est bien relayée sur les réseaux sociaux mais aussi au niveau politique, notamment par des partis comme EELV qui jettent de l’huile sur le feu. Donc nous devrons cette année encore affronter des attaques mais nous sommes sur le pont et nous nous battrons.
Combien de chasseurs comptez-vous aujourd’hui ?
Un peu plus d’un million, avec une baisse qui a été assez régulière au cours des dernières années. La moyenne d’âge est aujourd’hui élevée mais nous avons de plus en plus de jeunes et de femmes qui viennent à la chasse et j’ai bon espoir que dans cinq ans nous aurons inversé la pyramide des âges.
Lors du vote de la dernière loi chasse vous avez appelé de vos voeux la gestion adaptative des espèces. Or il semble bien que les dés soient pipés et que les décisions ne soient pas forcément prises en fonction de données scientifiques mais de positions idéologiques.
Je ne regrette pas la mise en oeuvre de la gestion adaptative des espèces, c’est la seule façon de bien les gérer et les chasseurs doivent être partie prenante dans les décisions. L’énorme erreur que nous avons commise au cours des trente dernières années c’est de vivre cachés !
Nous devons être présents sur le front scientifique et c’est ce que nous avons commencé à faire. Cela posé, si nous discutons avec des gens qui ne sont pas neutres mais engagés, les décisions ne découlent plus de données scientifiques mais d’une idéologie militante. C’est donc très difficile pour
le moment, mais nous n’avons pas le choix. Il nous faut être partie prenante dans ces débats. Évidemment dans des pays comme les États-Unis ou le Québec où il n’y a pas ou peu de mouvements antichasse les discussions entre chasseurs et scientifiques certains étant d’ailleurs chasseurs sont beaucoup plus paisibles. Malheureusement, la situation en Europe est différente.
Comment expliquez-vous que l’on refuse aux chasseurs français le droit de tirer les oies cendrées début février alors qu’on gaze cet oiseau au printemps aux Pays-Bas ?
Le problème, c’est que nous n’avons pas de dégâts d’oies cendrées en France, elles ne font que passer. Rallonger la période d’ouverture de ce gibier d’une quinzaine de jours ne lui nuirait pas, mais c’est difficile à obtenir notamment en raison de la rigidité de la réglementation européenne. Je ressens comme un échec le fait de ne pas avoir réussi à obtenir une décision de bon sens. Il faudrait avoir le courage de réviser les directives européennes de sorte à disposer aujourd’hui du bon instrument pour gérer la faune.
Vous savez bien qu’il s’agit là d’une décision politique assez sensible…
Mais tout est politique ! Je suis un européen convaincu mais voyez ce qui se passe en Angleterre, le doute s’installe. Dans les milieux ruraux, en particulier, il ne faudrait pas que le carcan européen finisse par apparaître comme insupportable. Et donc, compte tenu de l’évolution des mentalités, j’ai bon espoir que l’on puisse discuter et parvenir à modifier ces directives.
Il y a eu 3 500 attaques sur les troupeaux en 2019. Faudrait-il, selon vous, augmenter les quotas de tir du loup ?
Il ne faut pas les augmenter, il faut les exploser ! La situation va devenir ingérable. L’expansion du loup se poursuit à grande vitesse et cet animal menace non seulement l’économie pastorale mais aussi la biodiversité. Le loup risque, par exemple, de faire disparaître le mouflon. C’est une escroquerie pseudo écologique qui coûte une fortune à la collectivité.
Parlons des accidents de chasse, il y en a encore trop…
Comme tous les sports de nature le risque zéro n’existe pas mais les fédérations ont fait un énorme travail sur la sécurité et ce travail porte aujourd’hui ses fruits. Cette saison nous avons neuf accidents mortels, sept pour la précédente, il y en avait vingt il y a quarante ans. C’est évidemment toujours trop, mais nous avons fait de très gros progrès, d’autant qu’avec l’explosion du grand gibier on tire de plus en plus à balles.
Les dégâts causés par le grand gibier plombent les comptes des fédérations. Les chasseurs sont-ils vraiment en mesure de freiner l’expansion du sanglier ?
Les chasseurs ne sont pas les seuls acteurs de cette régulation. Nous avons dans notre pays tout un maillage de territoires communaux, départementaux, interdépartementaux, réserves, enclaves sur lesquels ils ne peuvent pas entrer. Quatre-vingt-dix pour cent des problèmes se produisent sur moins de dix pour cent du territoire ! Il faut donc être très clair : les chasseurs n’ont pas à payer des dégâts survenus par la négligence du propriétaire du fonds, qu’il s’agisse de l’État ou de propriétaires privés. On a parfaitement le droit d’interdire la chasse sur son terrain mais la contrepartie c’est qu’il faudra mettre la main à la poche. C’est une mesure de bon sens.
Propos recueillis par Eric Joly