Son emploi du temps est réglé comme du papier à musique chaque semaine ou presque. Après s’être envolé ce lundi pour trois jours à Alger (Algérie) afin de vanter les qualités des blés français dans le cadre de sa présidence de France Export Céréales, le voilà de retour en France mercredi. Il se pose deux jours à Paris, pour des réunions à l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), dont il est le secrétaire général depuis février. Il regagne enfin son fief de Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne), près de Meaux, le vendredi. C’est là qu’il exploite depuis 1988 une exploitation en GAEC de 406 hectares de grandes cultures, avec son frère et son cousin. La majorité des terres est cultivée en céréales, mais aussi en betteraves, pommes de terre, orge, seigle, chanvre et lin. Une belle variété de cultures qui ne laisse pas beaucoup de répit pour du temps libre. Ce vendredi justement doit voir le démarrage de la récolte des pommes de terre. Manque de chance, son arracheuse Grimme s’est arrêtée net en plein champ, victime d’une panne mécanique. « Depuis que je suis secrétaire général de l’AGPB, c’est essentiellement le week-end que je peux me consacrer à mon exploitation », reconnaît-il, un brin embarrassé de laisser une grosse partie du travail à ses associés durant la semaine. « Mais cela m’a permis de déléguer aussi les tâches et de voir que le travail se passe très bien sans moi », souligne celui qui se décrit volontiers comme optimiste.
Une conjoncture difficile
Pourtant, depuis 2016, la conjoncture en grandes cultures est particulièrement difficile, entre des rendements très faibles et des cours très bas en céréales et betteraves. Seules résistent aujourd’hui les pommes de terre dont les cours restent soutenus. « C’est la première source de revenu de mon exploitation », affirme-t-il, en rappelant les belles années révolues de la betterave avant la fin des quotas sucriers. Quant aux céréales, si le niveau des rendements et de la qualité est excellent, celui des cours l’est beaucoup moins.
Philippe Heusele doit jongler chaque semaine avec son travail d’agriculteur et plusieurs mandats dans des organisations professionnelles agricoles. « Heureusement, il y a de nouveaux moyens de communication pour rester informé », reconnaît-il. Son engagement pour la défense des intérêts des agriculteurs, il estime le devoir en partie à ses parents, qui étaient eux-mêmes impliqués syndicalement. « Il y a un intérêt à s’engager pour savoir ce que pensent nos collègues, nos clients et valoriser notre savoir-faire. C’est passionnant », affirme-t-il. Après avoir été vice-président de la coopérative céréalière Valfrance, Philippe Heusele est aujourd’hui président de la section Île-de-France de Coop de France, administrateur de l’AGPB depuis 2009 et secrétaire général depuis février dernier, sans oublier sa présidence de la structure de promotion des céréaliers, France Export Céréales, depuis juin 2018.
Engagé pour défendre son métier
Pour ce père de quatre enfants, défendre le métier de paysan et porter la qualité de l’agriculture française à l’international sont essentiels. « Ce n’est pas facile d’être agriculteur en ce moment en France. La profession est de plus en plus montrée du doigt », insiste-t-il. D’où l’intérêt d’essayer de changer les choses, d’ouvrir les exploitations au grand public et de montrer les bonnes pratiques mises en place, comme il aime le faire sur sa ferme. Il s’inscrit d’ailleurs pleinement dans la stratégie de l’AGPB, lancée lors du congrès de février 2019. L’association pousse ses adhérents à s’engager dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), à travers la certification Haute valeur environnementale (HVE). « L’intérêt de cette certification est de prouver par une tierce personne que l’agriculture française est dans le top des agricultures mondiales en matière de développement durable », assure-t-il. Mais pour que cela fonctionne, « il faut que cela soit un mouvement de masse. Et que toutes les filières se mettent en marche et s’harmonisent sur le cahier des charges de la certification HVE de niveau 2 », insiste-t-il. Née avec le Grenelle de l’environnement, la HVE comporte trois catégories d’exigences, mais seul le niveau 3 permet de revendiquer le label. À ce titre, la performance environnementale de l’exploitation doit être évaluée à partir d’indicateurs de résultats autour de quatre thèmes : biodiversité, protection phytosanitaire, fertilisation et gestion de l’eau. Une certification qui permettra aux agriculteurs de se préparer au futur dispositif de la prochaine PAC, baptisé « eco-scheme », prévu sur le premier pilier. Être engagé dans la valorisation de l’agriculture française, c’est aussi savoir anticiper les évolutions du métier.
Adrien Cahuzac