La campagne d’arrachage des pommes de terre bat son plein dans les Hauts-de-France. À Campagne-lès-Wardrecques (Pas-de-Calais), Maison Canler s’apprête à recevoir plus de 10 000 tonnes de pommes de terre au cours des prochains mois. Les tubercules seront calibrés, lavés, stockés et conditionnés avant de partir vers la grande distribution ou l’export. « La campagne devrait être dans la moyenne des rendements, entre 40 et 45 t/ha », estime le PDG, Benoît Decoëne. Pour autant, elle revêt un caractère particulier cette année. Cela fait tout juste dix ans que Benoît Decoëne et sa femme Pascale ont racheté le négociant familial Canler. Ensemble, ils ont réussi à doubler l’activité de l’entreprise. De 5 000 tonnes de pommes de terre commercialisées en 2009, ils sont passés à plus de 10 000 cette année, issus de 250 hectares, tandis que le nombre de salariés est passé de sept à treize. Entre-temps, un nouveau bâtiment de conditionnement a vu le jour en 2015. « Cela a été l’occasion de mettre en place de nouvelles méthodes de travail durables », souligne Pascale Decoëne. Les flux ont été repensés pour réduire les transports. Un bassin de décantation a été mis en place pour récupérer les eaux utilisées dans le lavage des pommes de terre et réduire la consommation en eau.
Ethylène et huile de menthe
2019 marque également la dernière campagne d’utilisation de l’antigerminatif CIPC. En juin, la Commission européenne a décidé de ne pas renouveler son autorisation de mise sur le marché dans les pays de l’Union. L’arrêt de son utilisation aura lieu le 8 août 2020. « Une grande majorité des conditionneurs utilise le CIPC en France. Mais le pays est plus avancé que ses voisins dans la recherche de substituts », estime Florence Rossillion, directrice générale du Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT). Maison Canler n’a pas attendu l’interdiction pour réagir. « Cela fait dix ans que l’on sait que le CIPC va être supprimé. Nous avons pris les devants en 2015, explique Benoît Decoëne. Certains clients nous demandaient de l’arrêter. » Maison Canler a pu ainsi essayer différents produits, pour n’en utiliser plus que deux, l’huile de menthe et l’éthylène. Non sans conséquences : « L’éthylène est une fois et demie plus cher que le CIPC et l’huile de menthe deux à trois fois plus. Leur efficacité est aussi plus courte dans le temps, mais l’emploi de ces molécules, homologuées en bio, est un argument commercial pour nous », détaille Benoît Decoëne. Travaillant en grande partie en filières qualité, Maison Canler n’a pas eu trop de difficultés à faire passer les hausses de coûts à la distribution à l’époque. Mais en 2020, la donne risque d’être différente et les pommes de terre pourraient bien prendre quelques centimes de plus sur les étals.
Adrien Cahuzac