Les cours du sucre donnent l’impression d’une certaine fébrilité à l’ouverture de la nouvelle campagne. L’échéance du sucre roux, mars 2020, est au-dessus de 12,5 cts/lb. Le sucre blanc, pour l’échéance de décembre 2020, est au-dessus de 340 $/t, ce qui ne s’était pas vu depuis avril dernier. Avec la reprise de l’euro, cela donne un prix de sucre, sortie sucrerie, autour de 290 €/t. C’est certes faible, mais cela ne s’était pas vu depuis un an.
Cette reprise dénote avec l’ambiance qui, jusqu’à présent, dominait le marché. En effet, la monnaie brésilienne est une nouvelle fois en difficulté face au dollar (- 2,5 % depuis la mi-septembre), et le pétrole repasse sous les 65 $/baril. Cela devrait avoir un effet plutôt baissier. Mais, pendant cette entrée en campagne, les spéculateurs réduisent leurs positions à la vente de sucre, qui avaient atteint de nouveaux records à la mi-septembre : 12,3 Mt. Ils sont désormais toujours autour de 10 Mt. Les analystes scrutent ce mouvement : va-t-il se poursuivre ?
Car la campagne brésilienne est déjà à la moitié de sa course, et les trois quarts des volumes de canne à sucre disponibles sont déjà broyés. Un retournement des cours ne se traduirait donc plus autant qu’auparavant par une plus forte production sucrière du Brésil (au détriment de l’éthanol) avant six mois : cela serait-il de nature à conforter les prix ?
Il faut dire que le déficit annoncé pour 2019-2020 pourrait être revu à la hausse par FoLicht. Certes, les stocks indiens restent plus que conséquents, et ils n’attendent qu’une reprise du marché mondial pour être exportés. Mais les chiffres de la nouvelle campagne du pays (qui ouvre, comme la nôtre, en octobre) restent très incertains. On considère en effet que l’Inde pourrait produire autour de 30 Mt de sucre, soit 5 Mt de moins que la campagne passée. Mais la baisse de production pourrait être plus prononcée, selon certains : LMC estime une production autour de 27 à 29 Mt, pour une consommation d’environ 28 Mt.
En tout cas, cela n’a toujours pas d’effet sur le marché européen, qui reste stable. La baisse de surfaces récoltées (-6 %) couplée à un rendement moyen inférieur à la moyenne quinquennale de 5 % se traduira pourtant par une situation d’importateur nette sur toute la campagne qui arrive. Mais l’effet d’une éventuelle reprise des cours mondiaux sur les cours européens reste en question : les contrats entre fabricants et utilisateurs permettront-ils de nouvelles négociations en cas de mouvement haussier, ou ont-ils été, encore une fois, négociés à prix fixe ?
Timothé Masson, CGB