Quel bilan faites-vous de votre premier congrès, en tant que président de JA, qui a eu lieu à Roanne (Loire) du 4 au 6 juin ?
Le congrès de Jeunes Agriculteurs a réuni 800 congressistes pour dresser le bilan de l’année écoulée, échanger sur l’identité du syndicat, amender le rapport d’orientation mais aussi réfléchir sur certains enjeux géopolitiques qui concernent l’agriculture. Face à la crainte du manque de budget dédié au financement de la dotation Jeunes Agriculteurs, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, invité pour la clôture du congrès, s’est engagé à ce que chaque jeune souhaitant s’installer sur la période 2019-2020, puisse être aidé normalement. Nous serons attentifs à ce que les engagements de l’exécutif soient tenus. Cela nécessitera un budget adapté à cette ambition et un accompagnement identique à celui d’aujourd’hui. Des jeunes nombreux, agriculteurs ou non, contribuent au dynamisme des territoires ruraux. C’est tout le sens du rapport d’orientation « Pour une ruralité éternellement jeune », voté en congrès, qui formule des propositions en faveur de l’épanouissement et de l’engagement citoyen des jeunes ruraux. Nous visons en particulier les infrastructures de transport et du numérique, pour favoriser l’épanouissement des jeunes, et proposons une éducation citoyenne ouverte, professionnelle et tournée vers son territoire. Nous formulons également des propositions innovantes en matière d’offre démocratique pour les jeunes ruraux et de transmission des entreprises.
D’où vient votre engagement syndical ? Pourquoi est-ce important pour vous ?
Cela fait dix ans aujourd’hui que je fais du syndicalisme. Depuis petit, j’ai toujours aimé m’engager. J’étais délégué de classe durant ma scolarité, puis au Conseil national de l’enseignement agricole privé (CNEAP), j’étais représentant au niveau national en Champagne-Ardenne. Après mes études en BTSA (Ndlr : Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole), près de Reims-Thillois, je suis revenu sur l’exploitation familiale en 2009. J’ai alors rejoint JA, après des manifestations pour interpeller Nicolas Sarkozy, avec le slogan « Notre agriculture a un prix ». Puis, je suis devenu secrétaire général du département de la Seine-et-Marne puis président de la région Nord. J’ai toujours aimé aller au contact des gens. Pour moi, ce qui est important c’est de défendre notre métier d’agriculteur, le valoriser et l’expliquer, avec convivialité.
Quel regard portez-vous sur la crise que connaît le secteur betterave-sucre ?
Jusqu’en 2017, les quotas apportaient un filet de sécurité. La production de sucre a fortement augmenté dans le monde en 2017-2018. Cela a engendré un effondrement des cours et une crise du secteur, qui n’avait plus de filet de sécurité. Cela était sans doute prévisible. Je suis persuadé que la filière betterave a un bel avenir en France. Nous avons des atouts à mettre en avant en matière d’agronomie mais aussi de traçabilité. Le bioéthanol est une vraie solution au changement climatique. Nous avons besoin d’une vraie volonté politique pour démultiplier les pompes E85 sur tout le territoire. Certaines régions le font déjà, mais il faudrait que cela soit fait au niveau national. Les contrats avec les groupes sucriers doivent être renégociés et intégrer de nouveaux critères de qualité et de traçabilité. Je livre mes betteraves à la sucrerie Lesaffre. Nous avons une relation de proximité et de confiance. Cela est appréciable. La famille Lesaffre a beaucoup investi dans l’outil industriel. Cela est rassurant pour les planteurs et leur donne confiance. Nous avons un syndicat betteravier local qui a beaucoup travaillé avec eux pour trouver des solutions communes sur le prix, la pulpe, la tare-terre.
Quels sont les autres dossiers importants que vous souhaitez porter durant votre mandat ?
Nous devons lutter contre l’artificialisation des terres agricoles. On ne peut plus se permettre de consommer des terres arables, comme cela se pratique sans frein en France depuis des décennies. Il faut qu’un cadre législatif soit mis en place, avec des contraintes financières. Aujourd’hui, il est plus facile de construire du neuf sur de nouveaux terrains que de rénover l’ancien. Concernant la future PAC, actuellement en discussion, nous souhaitons renforcer les outils d’appui à l’installation et valoriser les actifs agricoles. Il est également important que les jeunes soient accompagnés dans l’accès aux outils de gestion des risques à commencer par l’assurance climatique. En 2016, j’ai perdu 68 % de mon chiffre d’affaires à cause des récoltes catastrophiques. Heureusement, j’avais souscrit une assurance. Cela a permis d’assurer la pérennité de mon exploitation. C’est un outil qui marche très bien en grandes cultures, mais il n’est pas aussi efficace en production de semences et en arboriculture par exemple. Enfin, il sera pour nous primordial de défendre une PAC unique en Europe, qui évite les distorsions de concurrence entre les États, qui appuie les filières et qui réponde de façon pragmatique aux attentes des citoyens. C’était le cas en France, entre régions, concernant l’installation. Nous avons réussi à obtenir un cadre unique national depuis trois ans, qui fonctionne très bien.
Comment comptez-vous travailler pour faire entendre la voix des paysans français à Bruxelles ?
Nous souhaiterions déjà que l’ensemble de la profession agricole ait une seule position, ou au moins des objectifs communs. Le risque est d’être dispersé et d’affaiblir notre position sur la négociation de la prochaine PAC. Si nous partageons des objectifs communs, nous serons plus forts et plus efficaces pour convaincre les autres pays européens. Nous avons engagé des réunions avec la FNSEA pour confronter nos opinions et identifier nos points de divergences et convergences. La FNSEA est pour nous un partenaire. Nous sommes deux syndicats différents. Nous partageons certains dossiers et certaines positions communes. Mais nous tenons à notre indépendance.
Propos recueillis par Adrien Cahuzac