Moins de 10 000 cerfs au tableau en 1976, 60 000 quarante ans après en 2016. Ces deux chiffres résument l’expansion de l’animal dans nos forêts. Il est aujourd’hui présent à peu près partout, de l’est à l’ouest, et du nord au sud, dans la grande forêt landaise comme dans la forêt Pyrénéenne ou les grands massifs de l’Ile-de-France, mais aussi en Bretagne et en Normandie. C’est ce que révèle une étude de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS).

Le cerf continue à coloniser le pays. Les jeunes mâles peuvent se disperser à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de naissance, alors que les femelles sont plus casanières. Comme le chevreuil, le cerf peut aussi sortir des forêts pour coloniser des milieux mixtes. En 1985, on recensait 169 zones à cerfs dans des secteurs avec un taux de boisement inférieur à 50 %. On en a comptabilisé 311 en 2015. En principe, l’animal n’est pas montagnard. Mais cela ne l’a pas empêché de grimper. La surface utilisée au-dessus de 1 500 m a été multipliée par 8 en trente ans.

Les régions globalement stables depuis cette époque sont l’Alsace, la Basse-Normandie et la Bourgogne. Une région est en baisse, le Nord-Pas-de-Calais, mais avec un faible pourcentage de territoire occupé : 0,8 %. Toutes les autres régions sont en hausse. Certaines ont vu leur superficie occupée doubler : Limousin, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays de la Loire, Poitou-Charentes (20 à 40 %).

Les régions championnes de l’expansion sont Provence-Alpes-Côte d’Azur (présence multipliée par 8), la Bretagne, Rhône-Alpes (présence multipliée par 6) et Midi-Pyrénées (présence multipliée par 5).

Au niveau des tableaux de chasse, ils sont stables sur les dix dernières années pour la Basse-Normandie, en baisse pour la Bretagne, la Haute-Normandie et l’Ile-de-France.
Globalement, depuis trente ans, les prélèvements ont toujours augmenté d’une année à l’autre, sauf en 2014-2015. Les tableaux de chasse des années suivantes n’ont pas confirmé cette tendance à la baisse.

Tableaux multipliés par cent

Il y a des chiffres spectaculaires. Les tableaux de chasse ont été multipliés par plus de 50 dans certains départements de montagne (Alpes et Pyrénées) et certains autres comme l’Auvergne, le Limousin et le Midi-Pyrénées. Ils ont même été multipliés par 100 dans quatre départements qui partaient d’un très faible effectif : Puyde-Dôme, Lozère, Savoie et Gironde. Reste que la chasse dans les zones montagneuses n’est pas toujours facile et que par conséquent, la réalisation des plans de chasse n’est pas toujours au rendez-vous.

Cette explosion démographique a engendré la mise en place de mesures conservatoires et en particulier de « zones d’exclusion » où l’animal peut être chassé plus vigoureusement. 29 départements ont défini de telles zones, dont 13 les ont inscrites dans leur schéma départemental de gestion cynégétique.

Le cerf corso-sarde

Et la Corse ? C’est une longue histoire. À l’origine, on trouvait sur l’île un cerf local. Des études génétiques ont suggéré qu’il descendait de spécimens d’origine est-européenne introduits en Sardaigne, puis en Corse à l’âge de bronze (1 200 – 700 av.J.-C.). Ils se seraient adaptés aux conditions locales en développant une morphologie plus petite. Mais l’animal a disparu de Corse à la fin des années 1960 à cause d’une ouverture importante du milieu, d’une chasse non contrôlée et d’un braconnage intensif. En Sardaigne, il a connu presque le même sort. Trois noyaux maintenus à l’état naturel ont toutefois permis le lancement d’un programme de coopération corso-sarde entre le Parc naturel régional de Corse et ses homologues sardes afin de réintroduire la sous-espèce dans l’île en 1985.

De 1998 à 2016, on a procédé à 16 lâchers. Plus de 300 cerfs ont été réintroduits.

Le cerf corso-sarde est le plus petit des cerfs élaphes. La hauteur au garrot pour les mâles varie de 85 à 110 cm. Pour les femelles, elle varie entre 75 et 90 cm. Le poids moyen d’un mâle est compris entre 100 et 120 kg et entre 50 et 85 kg pour les femelles. Le cerf élaphe européen est bien plus imposant : de 120 à 150 cm au garrot pour les mâles et de 100 à 140 cm pour les femelle, pour un poids compris entre 150 et 250 kg pour le cerf et entre 60 et 120 kg pour les biches.

Il est associé à la liste des espèces gibiers, soumis à un « plan de chasse zéro » reconduit chaque année par arrêtés préfectoraux. La population totale sur l’île serait d’environ 1 400 individus.

L’expansion considérable du cerf montre que la chasse est parfaitement compatible avec la bonne santé des espèces. Aujourd’hui, elle apparaît même indispensable pour réguler son accroissement.

ÉRIC JOLY