2018 marque deux évolutions majeures pour la fis- calité : la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) et l’assujettissement à la « flat tax » de certains revenus, notamment des dividendes versés par les sociétés assujetties à l’IS. Ainsi, dès une imposition de l’impôt sur le revenu (IR) au taux marginal à 30 % (plus de 27 000 €/an pour une personne seule et 54 000 €/an pour un couple), le système de l’IS devient souvent moins coûteux.
Pourtant, la plupart des agriculteurs ne profitent pas de ces baisses : leur activité s’exerce le plus souvent en nom propre ou en EARL, SCEA, Gaec soumis à l’IR. Les résultats de l’exploitation sont alors soumis à l’impôt sur l’IR et aux cotisations MSA au niveau de chaque exploitant. Cette imposition subie (notamment avec une taxation qui augmente par tranche de revenu) rend alors compliquée, pour l’exploitant, la gestion de son imposition personnelle. A contrario, dans une société soumise à l’IS, la fiscalité et les cotisations sociales de l’exploitant sont déconnectées de la fiscalité de l’entreprise. La rémunération du dirigeant et les pressions fiscale et sociale liées, de- viennent des choix de gestion. Il faut donc s’interroger sur la rémunération du dirigeant, compte tenu de la santé de l’entreprise, de ses réserves, des perspectives d’investissements et des évolutions du marché.
Libérer des capacités d’investissement
Les règles comptables et fiscales pour arrêter le bilan permettent de déterminer l’IS, mais l’agriculteur ne paye l’impôt sur le revenu et les cotisations MSA que sur le revenu consommé. Si l’associé gérant, fort de bons résultats, souhaite bénéficier d’un complément de rémunération, il pourra l’appréhender sous forme de dividendes maintenant assujettis à la « flat tax », plutôt que sous forme de traitement, avec, à la clé, une fiscalité souvent moindre. Si en revanche naît un projet d’expansion, de diversification, ou s’il reste des emprunts à rembourser, le gérant pourra laisser les fonds faiblement fiscalisés à disposition de la société.
Une option sans retour
Augmenter les fonds propres de la société, lisser ses revenus et maîtriser sa fiscalité personnelle : là est le véritable intérêt de l’IS. Aller chercher un gain fiscal immédiat sur la base de calculs simplistes est dangereux : dans le contexte récent, marqué par des aléas climatiques significatifs et des cours mouvementés, qui peut être certain de son niveau de revenus dans la durée ? De plus, d’autres paramètres sont à considérer pour chaque exploitant. Par exemple, la remise en cause de l’exonération totale ou partielle des plus-va- lues pour les exploitants réalisant moins de 250 000 € à 350 000 € de chiffre d’affaires, réservée aux sociétés à l’IR, peut constituer un véritable écueil.
Passer de l’IR à l’IS n’est pas une décision à prendre à la légère. Car l’option pour l’IS est irrévocable. Un déficit futur sur un exercice ne sera pas imputable sur les autres revenus du ménage car on ne peut pas se verser de rémunération négative : le déficit sera reporté sur l’assiette d’IS des exercices ultérieurs. Plus généralement, si les règles fiscales et sociales évoluent différemment à l’avenir, il sera impossible de faire marche arrière. L’IS n’est pas une solution miracle. Changer les règles fiscales d’une société à objet agricole ne convient pas à tous : question de revenus, de gestion, d’ambition. Si la question de l’IS ne doit plus être taboue, sa pertinence doit être examinée au cas par cas.
Clément Bizouard, expert-comptable au cabinet Bizouard, membre d’AGIRAGRI