Si le statut du fermage, dans l’article L. 411-35 du code rural, reconnaît la possibilité au fermier de céder son bail à ses descendants en ligne directe (enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, mais pas les conjoints visés par un régime spécifique de cession de bail au profit du conjoint), le formalisme lié à cette opération a été profondément impacté par la réforme relative au droit des contrats de 2016. Anciennes et nouvelles conditions doivent être respectées afin que la cession soit valable.
Une autorisation préalable
La première obligation pour le preneur (le fermier) en place est d’obtenir l’agrément préalable du bailleur (le propriétaire). A défaut, la cession est prohibée et frappée de nullité. Dès lors, le bailleur peut demander en justice la résiliation du bail initial. Bien que la jurisprudence ait admis dans certains cas que l’autorisation pouvait avoir été tacitement accordée – eu égard aux circonstances de l’affaire et au comportement du propriétaire après la cession – afin d’éviter tout litige, il est préférable d’obtenir un agrément express du bailleur pour l’opération envisagée. Si les relations entre bailleur et preneur sont très dégradées, le preneur peut se passer de l’accord du bailleur et saisir directement le tribunal paritaire des baux ruraux pour demander l’autorisation de cession. Mais là encore, l’autorisation judiciaire doit être préalable à la cession. Pour se prononcer, les juges recherchent si l’opération ne risque pas de nuire aux intérêts légitimes du bailleur, appréciés au regard de la bonne foi du cédant et des conditions de mise en valeur de l’exploitation par le cessionnaire proposé, c’est-à-dire le bénéficiaire de la cession. La cession sera par exemple refusée si le fermier a manqué aux obligations résultant de son bail, tels que les retards réitérés dans le paiement des loyers ou un mauvais entretien des terres.
Les magistrats regardent aussi attentivement la situation du cessionnaire. Offre-t-il les garanties nécessaires pour assurer une bonne exploitation du fonds ? Par ailleurs, n’oublions pas que si le cessionnaire est tenu d’obtenir une autorisation d’exploiter en application de la réglementation des structures, la validité de la cession est subordonnée à l’octroi de cette autorisation.
Un écrit obligatoire
Depuis le 1er octobre 2016, la cession du bail rural entre le preneur et son descendant doit être constatée par écrit (Article 1216, al. 3 du Code civil, modifié par l’ordonnance n° 2016-131, 10 fév. 2016). Et ce, même si le bail initial a été conclu verbalement, ce que nous ne préconisons pas ! Cette exigence doit être strictement respectée à peine de nullité de la cession du bail.
Cette nouvelle obligation, qui peut apparaître comme une contrainte supplémentaire, est davantage à regarder comme un atout. Elle permet en effet de préciser le contenu de la cession, de fixer sa date d’effet ou, éventuellement, de faire intervenir le bailleur à l’acte et ainsi de prévenir tout litige. Lorsque le bailleur a été partie à l’acte de cession et y a donné son accord, aucun formalisme n’est nécessaire pour que la cession lui soit opposable. En revanche, lorsqu’il a autorisé par avance la cession du bail, le contrat doit lui être notifié, a minima par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR).
Recouvrer sa liberté
La cession dûment autorisée et valablement actée, le preneur-cédant n’est pas pour autant libéré de ses obligations vis-à-vis du bailleur. La réforme du droit des contrats a mis un terme aux tergiversations de la jurisprudence. Ainsi, si le preneur-cédant ne peut plus exploiter les biens, il continue d’être débiteur envers le bailleur des obligations nées postérieurement à la cession de bail, à moins que le bailleur n’y ait expressément consenti. Autrement dit, si rien n’est prévu, le preneur-cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat cédé. Il est alors responsable, comme son fils cessionnaire, de la bonne exploitation du fonds loué ou encore du paiement du fermage alors qu’il n’exploite plus les biens en question ! Il convient par conséquent de prévoir par écrit, de manière express, la libération du preneur-cédant.
Florence Durand, avocate au cabinet Terrésa, membre du groupement AGIRAGRI