Ils font partie des espèces invasives, c’est-à-dire d’espèces qui ne sont pas autochtones et qui colonisent le pays. Vous me direz qu’à l’origine le faisan non plus n’est pas indigène, puisqu’il nous vient d’Asie mais enfin, disons que depuis le temps où on l’a introduit en Europe il a gagné ses galons de résident. Pour le raton laveur et le chien viverrin c’est différent. Ces deux espèces ont commencé à apparaître dans les années soixante. Le raton laveur comme on va le voir est plus préoccupant que le chien viverrin. Comment le raton laveur – un animal originaire d’Amérique du Nord – a-t-il pu coloniser l’Europe ? Il aurait été introduit, pour sa fourrure, dans les années trente en Europe.
Il semble aussi que certains soldats des troupes américaines basées chez nous avaient des ratons laveurs comme mascottes. Et quand ces bases ont été fermées ils ont lâché leurs animaux dans la nature. Or le raton laveur est un animal très opportuniste. S’il y a de l’eau dans les environs, il va très bien se débrouiller. Il mange des invertébrés, des insectes, des vers et les larves. Étant protégé des piqûres par son épaisse fourrure, il s’attaque aussi aux abeilles.
Il mange également de petits animaux aquatiques : palourdes d’eau douce, moules, écrevisses, poissons, grenouilles, tortues, amphibiens et huîtres. Il ne dédaigne pas non plus les petits mammifères (rats musqués, mulots). Il peut s’attaquer aux poules. En été et en automne, il privilégie le maïs, les fruits, les baies, les glands et les noix. Dans les villes nord-américaines, il fouille dans les poubelles qu’il ouvre aisément avec ses doigts agiles. Il lui arrive enfin de manger des charognes. La croyance populaire selon laquelle le raton laveur lave sa nourriture avant de la consommer vient du fait qu’il se nourrit généralement de petits animaux aquatiques et frotte souvent ses proies entre ses mains avant de les manger. Des amas de coquilles de palourdes sur la rive d’un cours d’eau ou de tiges cassées dans les champs de maïs sont des signes de présence.
Présent dans 626 communes
A partir de quelques sujets mascottes des troupes américaines de l’OTAN, échappés ou lâchés en 1966, une population s’est rapidement constituée dans l’Aisne, débordant sur l’Oise et la Marne, selon une étude de l’ONCFS. Depuis 1999, le noyau “picard” s’est considérablement étendu et depuis 2000, la présence du raton laveur est relevée dans 626 communes.
Le niveau des prélèvements dépasse 1 500 spécimens dans les départements de l’Aisne, de l’Oise, de la Marne et des Ardennes. L’Aisne présente la plus importante population de ratons laveurs en France, avec 51 % de communes où l’espèce a été identifiée au moins une fois depuis 2001. La colonisation a débuté en direction de l’Ouest et de l’Est dans les années 1980. On le trouve maintenant dans les Ardennes, en Auvergne, en Seine-et-Marne et en Ile-de-France. Un autre front – à partir de sujets échappés de fermes d’élevage en Allemagne – se développe à partir des départements de l’est du pays.
La fusion des deux populations est en cours. Très prochainement, une aire de répartition unique occupera des centaines de kilomètres carrés, s’étendant de l’Oise, à l’Ouest, jusqu’à la Pologne, à l’Est, en incluant la région wallonne, le Luxembourg et l’essentiel de l’Allemagne. L’animal progresse aussi vers le Sud-Ouest. Des chasseurs l’observent régulièrement à l’occasion de battues de sangliers dans la vallée de la Garonne.
Chien viverrin : uniquement dans l’est du pays
Parlons maintenant du chien viverrin. À la suite des nombreuses introductions dans la partie européenne de l’ex-Union soviétique, cet animal a conquis 1,4 million de km2 entre 1935 et 1984 et a doublé ainsi son aire de répartition initiale. On l’a observé au moins une fois dans trente-cinq départements, tous localisés dans le nord-est de la France. Il est omniprésent en Allemagne.
Le chien viverrin ressemble beaucoup à un raton laveur mais le “loup” noir n’est pas complet. Il est ouvert au niveau des yeux. Et la queue n’est pas annelée. Ces deux animaux n’ont, scientifiquement, rien en commun. Le chien viverrin a un poil très long et dense, avec des couleurs tachetées rouge-gris. Il est originaire d’Asie et très populaire en Chine et au Japon où on l’utilise parfois comme animal de compagnie.
Comme la grande majorité des canidés, il possède un double pelage : une première couche laineuse de couleur gris mat et un poil fin en dessous. La couche supérieure est très colorée et c’est la raison pour laquelle le tanuki – c’est son nom japonais – a été importé en Russie dans des fermes à fourrure.
Echappé des cages d’élevage, l’animal s’est développé de façon fulgurante en Europe de l’est. En Allemagne, le tableau de chasse est passé de 12 en 1992 à …plus de 20 000 aujourd’hui. C’est un carnivore opportuniste aussi à l’aise sur terre que dans l’eau et qui se nourrit de grenouilles, de poissons, de charognes, de poussins, de petits mammifères, de crabes, de serpents et de lézards. Ces deux animaux ne se chassent pas vraiment chez nous. On les capture en piégeant d’autres espèces indésirables. Si le raton laveur est désormais solidement enraciné, le chien viverrin reste modestement implanté dans l’est du pays. Cependant à voir la rapidité avec laquelle il a colonisé l’Allemagne, on peut nourrir quelques inquiétudes sur le développement national de ce nouveau prédateur.
Eric Joly